Plusieurs dizaines de maisons ont été démolies hier jeudi au quartier Sotuba ACI, en commune I du district de Bamako. Les autorités justifient la décision par « l’acquisition illégale des parcelles » sur lesquelles ces habitations ont été construites. Les victimes, qui ne cachent pas leur colère, ont organisé ce matin une manifestation sur le site. Elles prévoient d’intenter une action en justice contre l’Etat malien.
Ils étaient plusieurs dizaines de manifestants à barricader la route principale menant à Koulikoro, brûlant des pneus. Un important dispositif de sécurité a été déployé pour rétablir l’ordre. Selon les manifestants, « cette opération de démolition a été faite sans aucun préavis ».
Les victimes ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin et comptent engager des poursuites judiciaires contre l’Etat.
Mohamed Diakité est porte-parole des victimes. Il est au micro de Sékou Gadjigo.
« Hier, à la première heure ils sont venus, ils ont démoli nos maisons. Il y avait les femmes, les enfants, tout le monde. On n’a pas reçu de préavis. Ils sont venus mettre, il y a deux semaines des croix sur les maisons. On ne nous a donnés aucun papier. Ils ont tout démoli, on ne nous a même pas donnés le temps de prendre nos affaires. Aujourd’hui, on ne sait pas où se loger, on ne sait pas où partir. Les enfants sont dans la rue, les mères sont traumatisées, on ne sait pas quoi faire ».
On dit que les constructions étaient faites à des endroits où elles ne devaient pas être construites.
« Moi, je n’ai reçu aucun papier officiel, ni une convocation, rien ! On ne m’a jamais appelé, on ne m’a jamais fait une notification. Et, nous ne nous sommes pas installés comme ça. On a des papiers, c’est avec ces papiers qu’on est venu nous installer. Donc s’il devait avoir une démolition, on devait demandé quels sont documents qu’on a. Ce sont les autorités qui nous ont donnés les documents. Par exemple, moi j’ai mon permis d’occuper qui date de 2008. Et C’est depuis 2011 que j’habite ma maison. Et voilà un matin, on vient, on casse tout, avec toutes les affaires. Je pense qu’ils ont emporté toute une vie. Nous, nous comptons mener des actions en justice ».
Les victimes déclarent ne pas recevoir de préavis notifiant l’opération de démolition. Joint par nos soins, le ministère des domaines de l’Etat et des affaires foncières n’a pas souhaité réagir malgré nos différentes sollicitations.
Selon les professionnels du droit, l’autorité peut démolir des concessions à usage d’habitation dans deux contextes : sur la base d’un arrêté de justice ou sur décision administrative. Mais dans l’un ou dans l’autre cas, la victime doit recevoir un préavis, et le citoyen a toujours la possibilité de saisir les juridictions s’il se sent léser dans ses droits.
Me Amadou Tiéoulé Diarra est avocat au Barreau malien. Voici ses explications au micro de Issa Fakaba Sissoko.
« S’il s’agit d’une décision de justice qu’on est en train d’exécuter, si les voies de recours sont épuisées, les dits propriétaires ne peuvent absolument rien contre la mesure de démolition. Mais si les voies de recours ne sont pas épuisées, les dits propriétaires peuvent effectivement exercer des voies de recours devant les juridictions compétentes. La deuxième hypothèse, c’est que ça dû être une mesure administrative. Le ministre de la justice s’étant rendu compte que c’est dans la complète illégalité que les propriétaires ont obtenu leurs titres. C’est dans cet ordre d’esprit que le ministre a dû ordonner leur démolition. La loi ne prive pas les dits propriétaires de tout recours, parce que les dits propriétaires peuvent effectivement exercer des recours contre des mesures administratives pour démontrer au besoin leur illégalité devant les juridictions. Donc, quand les gens pensent que le titre foncier demeure inattaquable devant les juridictions nationales, si vous voulez c’est un mot dont usent tous ceux qui sont de mauvaise foi. Si nous lisons le titre foncier sous cet angle, il peut légaliser le vol ».