Colère, indignation, frustration. Voici le sentiment qui anime les victimes de l’opération de démolition de 309 concessions à Kalabanbougou. L’huissier de justice, Me Aliou Keïta, conduit la cette démolition en application, dit-il, d’une grosse de justice en date du 8 janvier 2014 de la Cour d’appel de Bamako, suite à la plainte du syndicat du Centre national de lutte contre la maladie. Massa Koné est le porte-parole du collectif des victimes. Il exprime son incompréhension. Studio Tamani a approché les différents protagonistes.
Massa Koné est le porte-parole du collectif des victimes. Il exprime son incompréhension.
« Le jour de la démolition nous avons tout dit à l’huissier. Mais en vain. Un autre huissier lui a même déconseillé, lui expliquant que c’est deux personnes qui ont leurs noms sur la décision de justice. Il n’a voulu entendre quelque chose. Il a répondu qu’il va tout démolir. Qu’est-ce qui nous a étonné ? Un syndicat n’a pas pour rôle de gérer les affaires foncières. Or, dans un document, dont nous avons copie, c’est le secrétaire général du syndicat qui donne ordre de casser les maisons. C’est le procureur qui ordonne la démolition en de tels cas. Mais le syndicat ? C’est une première. Nous avons toutes les preuves.
Ce jour là, ils sont venus démolir avec des civils. Ce sont des civils qui montraient les concessions à démolir. Finalement, ils ont tout démoli à cause de deux maisons, comme indiquée sur la décision. Parce qu’ils savent que leur décision n’est pas bonne, et qu’elle n’est pas légale, car certains droits n’ont pas été respectés. Vous voyez le temps entre le jugement et le jour de la démolition.
Tout ceci sont des maisons. Les maisons des associations de malades qui faisaient le maraîchage, et qui ont leurs maisons dans l’institut, ce sont ces maisons qui ont été démolies. C’est le syndicat qui a mis les malades de côté dans cette affaire, car pensant gagner quelque chose. Ils ont tout vendu ».
Le ministre de la justice, Mohamed BATHILY, a demandé la mise au arrêt du l’huissier de justice Me Aliou Kéïta en charge du dossier de démolition des 309 concessions de Kalabanbougou. Selon le Garde des sceaux, « il y a faute dans la procédure ».
« Ils ont cassé les lieux sans même demander au procureur qui veuille sur l’ordre public. On sait même en matière de droit que pendant les saisons délicates au Mali, comme l’hivernage, on n’expulse pas quelqu’un. Vous avez entendu ici, on vous a dit qu’une petite fille est morte suite au fait qu’on l’a jeté dehors avec sa mère sous le pluie et qu’elle n’a pas survécu à la maladie qu’elle a attrapée. Donc le procureur n’a en été informé que lorsque moi je l’ai appelé, pour lui dire : est ce que vous êtes au courant de ce problème ? Il m’a dit non. Et je lui ai donné le dossier. Nous l’avons lu ensemble. On était étonné que pour l’exécution d’un jugement portant sur deux familles, on ait cassé tout un village. C’est pas moi qui lui réserve un sort, mais c’est la loi lui réserve un sort. Et je tiens à ce que la loi s’applique. On a l’habitude de dire la loi est dure, mais c’est la loi. Et on va l’appliquer dans toute sa rigueur. Tout le monde répondra de son comportement dans ce dossier là ».
L’arrestation de l’huissier de justice, Me Aliou Keïta, dans l’affaire Kalabanbougou suscite l’incompréhension et la colère au sein de sa corporation. Pour ses confrères, « la démarche du ministre de la justice n’est pas appréciable ».
Me Boubacar Namakoro Diallo est président l’Ordre des huissiers du Mali. Issa Fakaba Sissoko l’a rencontré.
« J’ai écouté la déclaration du ministre de la justice, j’ai pas compris certains de ses propos. Quand il dit qu’on ne peut pas expulser quelqu’un en période hivernale et qu’aucun texte ne l’autorise, je ne comprends pas. Au Mali, il n’y a aucun texte qui interdit cela.
J’ai pas compris aussi la médiatisation de l’affaire. Prendre les médias, aller sur le terrain, se faire acclamer en arrêtant un confrère sur les lieux, cela je n’ai pas compris. Il est ministre de la justice, et je pense que les poursuites appartiennent au procureur de la République ou au procureur général. Mais lui-même sur le terrain, je n’ai pas compris. Et je me demande à qui cela profite ? Honnêtement je me pose la question.
La décision de justice, sur la base de laquelle votre collègue a agi, portait sur la démolition de deux concessions. Mais une centaine de maisons se trouvent démolies ? Y-a-t-il eu abus selon vous ?
Moi, je ne peux pas rentrer dans le fond, parce que le dossier est maintenant entre les mains de la justice pour analyser les éléments. Mais en tout, je n’apprécie pas la forme. Il appartient à l’huissier de justifier ce qu’il a fait. Puisse que le ministre lui-même a dit que la toute lumière sera faite, on attend donc la décision finale que le parquet aura diligentée ».