Cultiver la terre, un besoin vital pour les déplacés paysans
Bandiagara, le 6 septembre 2023 📷 Studio Tamani/Fondation Hirondelle

Cultiver la terre, un besoin vital pour les déplacés paysans

Depuis le début du mois de juin, les travaux champêtres ont démarré dans plusieurs localités du pays. Beaucoup de cultivateurs ont déjà commencé le sarclage dans les champs. Mais les déplacés qui ont fui leurs localités à cause de l’insécurité, observent l’hivernage avec impuissance.

Il n’est pas facile pour un agriculteur d’être ailleurs que dans son champ pendant l’hivernage. Malheureusement, cette dure réalité rattrape les déplacés paysans qui sont sur les sites de déplacés à travers le pays. Parmi eux Aly Ganamé, installé au centre Mabilé à Bamako depuis plus de 5 ans. Monsieur Ganamé ne sait que cultiver et faire de l’élevage. En cette saison, il a beaucoup de regrets. « Nous regrettons parce que nous n’avons pas d’espace pour cultiver, ni pour faire de l’élevage ici à Bamako. J’étais un grand paysan au village, comme l’étaient mes parents», affirme-t-il.Et M. Ganabé de poursuivre « c’est à cause de l’insécurité que nous avons fui pour venir en grande ville. Sinon nous sommes des cultivateurs et des éleveurs. On cultivait du sorgho, du petit mil, du haricot, du maïs ».

Pour le déplacé, rester sans rien faire n’est pas intéressant, « certes, on prend bien soin de nous ici, mais notre souhait est de travailler la terre. Si je trouve un espace à cultiver à Bamako, dès demain, je commence les semis », ajoute le chef de famille.

« Chez nous, nous avons nos champs et jardins »

La ville de Yorosso abrite une centaine de déplacés. La majeure partie de ces déplacés sont des paysans. En fuyant les attaques des hommes armés, ils ont laissé derrière eux des champs bien fertiles. Idrissa Ouédraogo a certes reçu un espace à cultiver à Yorosso, mais il sollicite un accompagnement. « Ce qui me permettra de bien aménager mon champ. Nous avons vendu nos cotons, mais nous n’avons pas reçu d’argent, c’est pourquoi l’aménagement du champ est un peu compliqué pour moi. » dit-il.

M. Ouédraogo se rememore des campagnes agricoles passées dans son village: « Je travaillais dans un champ de trois (3) hectares. Je cultivais du coton, du maïs ainsi que de l’arachide», rappelle-t-il.Il précise qu’à cause du retard des pluies,il n’a pas encore pu faire beaucoup de choses sur l’espace qu’on lui a attribué, un espace sur lequel, il compte cultiver seulement du haricot cette année.

Les paysannes aussi sont affectées

Beaucoup de femmes déplacées (paysannes) n’ont qu’un seul souhait. Que la crise prenne fin, pour qu’elles retrouvent leurs champs dans leurs villages respectifs. Elles sont nombreuses à Ségou. Certaines d’entre elles souhaitent acquérir un espace sur place. Alhoussina Dicko était une grande jardinière dans son village, elle vit mal les conditions actuelles de vie.

« J’avais un champ que je cultivais pour faire mes besoins, en plus du champ je faisais mon jardinage tranquillement au village. Mais ici, je n’ai rien », déplore la dame Dicko. Pour elle, si la situation sécuritaire du pays se stabilise, elle va vite retrouver son village natal et ses espaces. En attendant, elle souhaite avoir une terre à cultiver à Segou. « Si je trouve un espace à cultiver ici, je serai très contente. Ça nous permettra d’aider nos maris et celles qui n’ont pas d’époux pourront aider leurs frères. »

Même sentiment à Bandiagara chez les femmes déplacées de la ville. A défaut d’avoir des champs pour cultiver, elles font les travaux champêtres de tierces personnes. Anta Yanogué cultivait plusieurs variétés dans son village. Mais aujourd’hui, elle déplore l’état de servitude dans lequel elle se trouve. Elle affirme que celles qui ont des connaissances peuvent demander des espaces à cultiver. « Pendant l’hivernage, si tu trouves un petit espace à cultiver, tu pourras récolter quelque chose par la suite. On est obligé de se promener pour chercher des choses à faire », souligne madame Yanogué. Elle précise ensuite que pendant les récoltes, elles aident les paysans à récolter le mil, sans assez de bénéfices. « Ce n’est pas facile pour une paysanne comme moi », conclut-elle.

De leur côté, les spécialistes d’agriculture réaffirment la vitalité de la culture des denrées alimentaires. Selon eux, elle contribue à la stabilité économique et sociale du pays. Les spécialistes indiquent aussi que le secteur agricole continue également à la création d’emplois et à la sécurité alimentaire.

Ecoutez l’ intégralité de l’émission Fabu dirène: