Déchéance sociale pour de nombreuses familles, exode, immigration des jeunes, pertes de recettes pour la mairie, etc. La privatisation de l’Huilerie cotonnière du Mali, HUICOMA, a entraîné l’effondrement de l’économie de la région de Koulikoro et l’émergence de la pauvreté et de la misère. Selon des élus locaux, elle cause chaque mois un manque à gagner de plus de 60 millions de F CFA pour la commune urbaine de la localité. Dix ans après la privatisation, le tableau reste encore sombre pour les travailleurs compressés.
Koulikoro est une ville industrielle par excellence et ne dispose pas d’autres ressources économiques importantes. Son économie était essentiellement rattachée à l’unité industrielle de l’Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA). 10 ans après la privatisation de cette industrie qui a été suivie d’un arrêt de fonctionnement, l’économie de la capitale de la 2e région a été entièrement asphyxiée et la vie sociale effondrée.
Mme Touré Diogale dite Mama Cissé présidente du collectif des femmes de l’HUICOMA crie sa colère et interpelle le chef de l’Etat. « Ce n’est pas en fuyant ses responsabilités qu’on résout un problème. Cela fait plus de dix ans que la privatisation a eu lieu et que les travailleurs souffrent », décrie Mme Touré. « Quand il y a des problèmes de ce genre, il doit s’impliquer. Il nous a promis qu’il fera tout. Mais il se peut que ceux qu’on a chargé pour l’exécution que le travail n’a pas été bien fait, qu’ils reconnaissent et qu’on ouvre le débat avec l’UNTM (Union Nationale des Travailleurs du Mali », ajoute la présidente du collectif des femmes de l’HUICOMA.
Pour la société civile c’est le non respect des engagements du gouvernement par rapport à la mise en place d’un plan sociale issu du licenciement des travailleurs qui a entraîné cette situation dégradante.
« Sur la vie socio-économique, quelle misère n’ont pas subi les ex-travailleurs », constate Oumar Dia, commerçant à Koulikoro. « Premièrement, leurs revenus ont baissé, deuxièmement, la majeure partie des leaders ont été emprisonnés au vu et au su de tout le monde, parce que Tomota (le repreneur de l’usine) était intouchable faisait ce qu’il veut », explique Oumar Dia. Avant de témoigner que l’Etat avait promis en son temps le plan social. « Je me rappelle lors de la pose de la première pierre Saramory Diabaté. C’est le président ATT qui était au pouvoir en ce moment), qui a expressément clarifié aux gens que maximum c’est 17 mois le plan social sera effectif », rappelle le commerçant.
La fermeture de cette usine a eu des nombreuses conséquences sociales et économiques. Pour des élus de la localité c’est la mairie qui a souffert en premier lieu des conséquences de la fermeture de l’HUICOMA avec des effets dévastateurs sur les recettes et la masse salariale de ses travailleurs. Elle a également provoqué l’immigration de la population. Le maire demande à l’Etat de prendre ses responsabilités face certains engagements. Selon Eli Diarra, la fermeture de l’HUICOMA a fortement impacté les recettes de la collectivité. « La mairie avait une patente de plus de 60 millions par an que l’HUICOMA payait. Donc c’est tout cet apport, plus la masse salariale, la consommation des gens dans la ville, etc. ça faisait tourner l’économie de la ville. Imaginez une manne financière de 90 millions qui était injectée dans l’économie locale, soit partie… », déplore le maire de Koulikoro, pour qui l’impact n’a été que catastrophique. « L’HUICOMA seule employait plus de 600 personnes de la population de Koulikoro. Sur le plan social, il y a eu beaucoup de mariages qui ont été mis en cause, beaucoup de divorces, beaucoup d’exode, d’immigration (des jeunes sont partis). C’était aussi le commerce autour de l’HUICOMA, tout cela est parti dans l’eau », regrette Eli Diarra, mairie de Koulikoro.
Selon la présidente du collectif des femmes de l’HUICOAMA, les négociations sont actuellement en cours au niveau de la présidence de la république pour trouver une solution définitive à la crise.
La privatisation de l’HUICOMA fait suite à une vague de privatisations des entreprises et sociétés publiques maliennes depuis l’indépendance. Pour certains économistes, les privatisations au Mali ont eu des « conséquences irréversibles » sur l’économie du pays. Selon eux, l’État à travers ses différentes institutions, devrait évaluer les dégâts et proposer une solution alternative afin de relancer l’économie au niveau de tous les secteurs touchés.
Modibo Mao Macalou, économiste: