Les groupes jihadistes Aqmi et Ançar Dine continuent de se signaler dans le nord du Mali. Les deux organisations terroristes ont revendiqué les attaques perpétrées vendredi dans les régions de Kidal et Tombouctou.
Ces attaques ont fait près d’une dizaine de morts parmi les forces maliennes et celles de la Minusma. Face à cette recrudescence des actes de violence , certains observateurs préconisent « une stratégie de défense populaire ».
Ces deux attaques sont intervenues une semaine après celle d’une ancienne base de l’ONU près de Tombouctou. Celle-ci revendiquée par Aqmi avait fait un mort dans les rangs de l’armée malienne. Depuis quelques mois, les groupes terroristes se signalent un peu partout dans le pays à travers des attaques et enlèvements.
Hier un véhicule de la force française Barkhane a sauté dimanche sur une mine à Kidal, sans faire de victime. L’information a été confirmée par l’armée française. Les occupants du véhicule, « un 4X4 banalisé », étaient au nombre de 4 ou 5 et sont « commotionnés ».
Cette situation suscite de nombreuses interrogations au sein de l’opinion publique malienne, notamment celle du retour de l’armée dans les localités contrôlées par les groupes armés.
A Kidal, suite à l’attaque de vendredi, des populations ont réclamé la mise en place de commissions de défense composées de l’armée malienne et des groupes armés pour la sécurisation de la ville. Le président IBK, en recevant son homologue allemand, lui a rappelé que « la situation de Kidal ne peut perdurer »
Selon le chef de l’Etat malien, la ville ne saurait rester « une espèce de plaie béante au sein du Mali » où des agressions sont commises quotidiennement. « La communauté internationale et nous-mêmes ne peuvent rester impuissants face à cela », a déclaré IBK.
Après une fin de semaine meurtrière dont elle a été victime, la Minusma affirme avoir renforcé ses dispositifs sécuritaires dans la ville de Kidal, mais aussi partout où elle est déployée. A Kidal, après l’attaque survenue vendredi, la ville tente de retrouver une vie normale. Mais les populations continuent à penser que les mesures sécuritaires sont « insuffisantes et qu’elles doivent être renforcées ».
Un habitant de Kidal est joint par Intala Ag Bilal :
« Aucune mesure n’a été prise pour le moment. La preuve en est qu’hier il y a eu un autre attentat sur des véhicules de Barkhane dont un a littéralement explosé. Heureusement qu’il n’y a pas eu de victime. Mais le véhicule, quant à lui, est totalement détruit par une mine derrière la maison d’Iyad. Donc, cela prouve que la menace est toujours existante. Des mesures supplémentaires concrètes n’ont pas été prises, en tout cas pas ici dans la ville de Kidal. Les populations se sentent en insécurité. Elles sont apeurées, elles se sentent délaissées. Elles ne voient pas de mesures, rien du tout. La Minusma est cantonnée dans son camp. Les groupes armés, notamment la CMA, elle a le contrôle des checks-points d’entrée de la ville. Quant à la Plateforme, notamment le Gatia, ils sont là depuis moins de deux semaines. Mais ils ne sont associés à rien par rapport à la sécurité ».
Pour certains observateurs, « il faut revoir la stratégie de la lutte contre le terrorisme au Mali en impliquant les populations dans leur propre sécurisation». Selon eux, il faut travailler au retour de l’armée sur toute l’étendue du territoire et accélérer le désarmement des groupes armés. Ils pensent cependant que cela ne saurait être possible sans une réelle volonté politique des autorités.
Issa Ndiaye est professeur de philosophie à l’université de Bamako. Il a été joint par Sékou Gadjigo :
« Il faut mettre en route une stratégie de défense populaire. Ça veut dire qu’elle implique les populations dans leur propre sécurisation, mais ça veut dire que c’est des choix politiques qu’il faut prendre. Au niveau du Mali, il faudrait que les Maliens eux-mêmes pensent à mettre en route un autre processus qui puisse permettre à l’État malien de couvrir le total contrôle de son territoire national, bien sûr avec l’appui de ceux qui voudront bien appuyer le Mali dans ce sens. Mais c’est la responsabilité première du Mali lui-même. Mais à court terme, il n’y a pas de solution. La seule solution pour calmer la situation, c’est de donner la parole aux communautés maliennes, pour que ces communautés maliennes créent des dynamiques de paix. La deuxième chose, c’est ce que la Minusma peut aider à faire le désarmement de tous les groupes rebelles quels qu’ils soient. Et que l’armée malienne soit la seule porteuse d’armes ».