L’audience de confirmation des charges contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi s’est achevée hier dans la soirée. La procureure de la Cour pénale internationale a accusé Ahmad Al Faqi Al Mahdi, d’avoir dirigé la destruction de mausolées protégés par l’Unesco à Tombouctou en 2012.
Lors de l’ouverture de l’audience qui doit servir à déterminer si les preuves sont suffisantes pour mener à un procès, la procureure Fatou Bensouda a déclaré qu’il faut « agir face à la destruction et la mutilation de notre héritage commun« .
Les avocats de la défense de leur coté n’ont demandé que 30 minutes pour répondre. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, à travers ses avocats, plaide non coupable des faits qui lui sont reprochés. Il se dit « prêt au procès« . Son avocat, Maitre Jean Louis Gillisen assure que le suspect est un homme « intelligent et raisonnable, un intellectuel instruit soucieux du bien collectif ».
Pour Ahmad Al Faqi Al Mahdi, il ne s’agissait pas d’attaquer des tombeaux mais de mettre en œuvre des moyens qui visent à libérer les tombeaux d’éléments qui ont été construits sur ceux-ci », a indiqué son avocat Jean-Louis Gilissen.
L’audience a finalement pris fin hier dans la soirée. Les juges de la CPI ont 60 jours pour décider si oui ou non le dossier d’Al Faqi doit être renvoyé devant la cour. En attendant, le suspect a affiché sa sérénité face aux caméras, et ses avocats pensent avoir suffisamment d’éléments contradictoires aux preuves du procureur.
Les avocats de Ahmad Al Faqi, ont plaidé la non culpabilité de leur client. Selon Maître Jean Louis Gilisen les actions menées par Ahmad Al Faqi, n’avaient pas pour but de détruire les mausolées, mais plutôt de les protéger.
« Il ne s’agit pas d’attaquer des mosquées. A aucun moment, il ne s’agissait d’attaquer des mosquées ou des minerais, jamais. Il ne s’agit même pas d’attaquer des tombeaux. Il s’agit que les choses soient claires factuellement d’attaquer des couvertures de tombeaux. Il s’agit d’attaquer, de mettre en œuvre des moyens qui visent à libérer les tombeaux d’éléments qui ont été construits sur ceux-ci. Et cette différence apparait d’importance parce que ce n’est donc pas les tombeaux eux-mêmes qui seront attaqués. Matériellement les tombeaux seront mêmes, Monsieur Al Faqi Al Mahdi est très clair là-dessus, protégés. Il n’est pas question qu’on touche aux tombeaux ou à ce qu’ils contiennent ».
Des associations maliennes de défense des Droits de l’Homme, qui se sont rendues à la CPI, ont suivi avec attention l’audience d’hier. Selon elles, cette audience marque un signal fort dans la lutte contre l’impunité. Cependant, ces associations espèrent l’élargissement des charges aux crimes sexuels et autres violences reprochés à Al Faqi alors qu’il était membre de la « brigade des mœurs » à Tombouctou.
Me Moctar Mariko est président de l’Association malienne des Droits de l’Homme:
« Nous avons beaucoup d’espoirs qu’on a fondé sur ce procès, mais malheureusement ce procès ne concerne que les crimes de guerre. Or nous savons que dans l’organigramme des groupes armés qui ont sévi à Tombouctou, ce monsieur dénommé Abou Tourab (ça c’est son nom de guerre) était au niveau de la brigade des mœurs et c’est lui qui exécutait les décisions du tribunal islamique. Donc en tenant compte de ces aspects, nous avons voulu vraiment que la cour puisse étendre les charges aux violences sexuelles et aux autres crimes qu’il aurait pu commettre à Tombouctou. En ce qui concerne les autres présumés auteurs qui ont été libérés, qui sont dans la nature et qui sont en train de menacer encore les victimes et ceux qui sont en prison à Bamako, c’est pour eux que nous craignons. Nous craignons non seulement pour les victimes, pour les ONG et pour les témoins. Si le Mali a certainement la volonté d’aller au procès qu’il change de stratégie afin de mieux protéger ces victimes et afin qu’on puisse voir des procès à Bamako. Nous comptons vraiment sur cette action de la CPI pour que le signal fort soit donné à tous ceux qui ont commis des crimes au nord du Mali et au Mali en général ».
A Tombouctou, comme dans plusieurs autres localités du pays, plusieurs femmes et enfants déclarent avoir été victimes de viols et de mariages forcés pendant l’occupation. A la CPI, certaines associations de défense des droits des femmes mènent un plaidoyer pour exiger la prise en compte de ces accusations dans le dossier Ahmad Al Faqi.
Mme Bouaré Bintou Founè Samaké est présidente de l’ONG « Wildaf Mali »:
« Je suis venue avec beaucoup d’espoir et d’attente, mais mes attentes n’ont pas été totalement comblées parce que je suis venue faire un plaidoyer, un plaidoyer auprès de la cour pour que les charges soient élargies pour qu’on puisse prendre en compte les violences sexuelles et les violations massives des droits humains qui se sont déroulés pendant l’occupation surtout de la région de Tombouctou et de Gao. Celui qui est aujourd’hui devant la cour a joué un rôle clé dans la mise en œuvre et l’exécution de ces violations massives et nous souhaiterions que ces violations puissent être prises en compte dans les charges. Mais je suis quand même un peu satisfaite, parce que c’est un début. Ce sont des faits qui se sont déroulés il y a plusieurs années et il n’y avait eu aucune audience autour de ces questions. Les gens doivent se rassurer que lorsque vous commettez des crimes de telle envergure, vous allez répondre quelque part ».