Les juges ont désormais cinq semaines pour se prononcer sur la peine d’Ahmed Al Faqi Al Mahdi. Son procès s’est achevé hier, après trois jours de délibérations. Les débats, s’ils ont éclairé les circonstances des destructions des mausolées de Tombouctou, n’ont toutefois pas répondu à toutes les questions, notamment sur ses responsabilités dans les exactions commises sur les populations. Autre incompréhension celle de la peine requise par le bureau du procureur. Un « arrangement » avec la défense qui ne passe pas chez les victimes.
3 jours de procès et cinq semaines de délibéré. Le jugement attendu doit se situer entre l’exemplarité de la punition, voulue comme un message à l’échelle internationale et la justice qu’attendent les victimes de Tombouctou contre l’un de leurs bourreaux.
La tâche des trois magistrats ne s’annonce pas aisée, notamment en raison du plaider coupable d’Al Faqi. S’ils suivent les réquisitions, la défense ne fera pas appel. En compensation le procureur a demandé une peine comprise entre 9 et 11 ans, loin de la peine maximale de trente ans que peut infliger la cour, qui n’est pas liée par cet accord.
Les défenseurs des Droits de l’Homme au Mali n’acceptent pas cette tractation entre l’accusation et les conseils d’Al Faqi. Cette incompréhension oublie que le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a condamné pourtant, en son temps, à 7 et 8 ans de prison deux officiers de l’ancienne armée yougoslave coupables du bombardement de la vieille ville de Dubrovnik. Reste que le sentiment d’injustice affleure déjà.
Le procès n’a jamais évoqué les persécutions infligées à la population de Tombouctou. Une plainte a été déjà déposée contre lui, pour des viols et des persécutions. Pour les habitants de Tombouctou le procès d’Ahmed Al Faqi Al Mahdi à la Haye cette semaine n’a fait que commencer.
Le procès n’a pas été à la hauteur des attentes du collectif des victimes de Tombouctou. L’association regrette l’entente entre le bureau de la Procureure et l’accusé qui pourrait influencer le verdict. Le collectif estime que compte-tenu de la gravité des crimes commis par Al-Faqi, sa peine doit être plus lourde que celle proposée par la procureure. Abdoulaye Touré, Coordinateur du Collectif des victimes du nord. Il a été joint par Sékou Gadjigo :
»Comme je l’ai dit, on se réjouit qu’il y ait eu un procès. Et on espérait que le procès serait équitable et qu’à la fin Mr Ahmad Al Faqi Al Mahdi devrait être condamné avec une peine maximale. Maintenant, vu que la procédure a été diligentée et rapide et tout ça avec des compromis sinon des négociations. Et également la stratégie, on savait que quelque part le fait de plaider coupable, le fait de demander pardon, tout ça allait amener à vouloir faire quelques avancées pour Al Faqi. Mais nous vraiment, des crimes de guerre. Je ne suis pas juriste, mais on se dit que des crimes contre l’humanité devraient avoir la peine maximale. »
Donc vous êtes restés sur votre faim?
»Je ne le cache pas depuis qu’il a commencé à plaider coupable, à demander pardon, on savait que la CPI allait arranger l’affaire d’une façon aussi. Ce n’est vraiment pas à notre comble. Ce n’est pas à la hauteur de nos attentes ».