Séisme diplomatique au Moyen-Orient : Ryad, Le Caire, Abou Dhabi et Manama ont rompu ce lundi avec le Qatar, accusé de « soutenir le terrorisme ». Depuis la prise de contrôle du Nord du Mali par trois mouvements jihadistes en juin 2012, les accusations se multiplient autour d’un potentiel soutien du Qatar à ces groupes armés. Cette décision intervient quinze jours après un voyage de Donald Trump qui avait exhorté les pays musulmans à se mobiliser contre l’extrémisme.
Doha n’a pas immédiatement réagi à ces mesures. De Sydney, le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a pressé les pays du Golfe de rester unis. Il s’agit de la crise la plus grave depuis la création en 1981 du Conseil de coopération du Golfe qui regroupe l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman, et le Qatar.
Trois de ces pays Arabie, Emirats, Bahreïn, ainsi que l’Egypte, ont tour à tour annoncé ce lundi à l’aube la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, qu’ils accusent de « soutien au terrorisme », y compris Al-Qaïda, le groupe Etat islamique (EI) et la confrérie des Frères musulmans.
L’agence officielle saoudienne SPA a annoncé que Ryad rompait ses relations diplomatiques et fermait ses frontières terrestres, aériennes et maritimes avec le Qatar pour « protéger sa sécurité nationale des dangers du terrorisme et de l’extrémisme ». Le Qatar s’est plaint d’être victime d’une campagne hostile, notamment aux Etats-Unis, concernant son soutien présumé aux groupes islamistes.
Depuis la prise de contrôle du Nord du Mali par trois mouvements jihadistes en juin 2012, les accusations se multiplient autour d’un potentiel soutien du Qatar à ces groupes armés.
Beaucoup de médias français et livres pointent depuis l’intervention dans le nord du Mali, l’implication de Doha dans la crise du septentrion. Un certain nombre ont révélé les financements cachés de l’émirat aux mouvements du Nord y compris, Ansar Dine et le Mujao en précisant que les autorités françaises étaient informées des agissements des Qataris dans cette région.
Le maire de Gao a accusé le Qatar de soutenir les islamistes basés dans la zone. Éric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement reste persuadé que « Doha joue un rôle partout où il y a des mouvements islamistes ».
De son côté, le géographe Mehdi Lazar, a estimé, dans une tribune publiée par l’Express que le lien entre le Mali et le Qatar ne date pas d’aujourd’hui. Doha « dispose déjà d’un réseau de financement de divers medersas, ou œuvres caritatives qui datent des années 1980 et 1990 au Mali ». Selon ce spécialiste, la politique étrangère qatarie reste aussi motivée par une forme d’idéologie islamiste sunnite, ajoute le géographe.
« Ce serait, pour l’émirat, un moyen simple mais risqué d’augmenter grandement son influence Comme en Syrie ». La présence de l’émirat au Mali doit être resituée dans le contexte d’une concurrence double : d’abord avec l’Arabie saoudite pour le contrôle de l’islam sunnite mondial, mais également afin de renforcer le poids de ce même islam sunnite face au chiisme ». Et de poursuivre : « il continue ainsi l’action entreprise en Égypte, en Libye et en Tunisie ».
Pour certains observateurs, cette rupture des relations diplomatiques des pays du Golfe avec le Qatar ne devra pas avoir d’incidents directs sur ses relations avec le Mali. Toutefois selon eux, le Qatar doit prouver son innocence dans ce présumé soutien aux groupes jihadistes.
Serge Daniel, journaliste-écrivain, spécialiste des questions sécuritaires :