La FIDH et l’AMDH se disent inquiètes de la multiplication d’actes de tortures au nord et au centre du pays. Les deux organisations des Droits de l’Homme accusent les groupes armés, les Forces armées maliennes et les forces internationales comme responsables de ces exactions. Toutefois elles exhortent les autorités maliennes à prendre leurs responsabilités pour faire respecter les Droits Humains.
Le rapport indique que l’année 2016 a été marquée par de graves violations de droits humains au Mali. Selon le document, la réponse de l’armée malienne au phénomène d’insécurité et de terrorisme dans le centre du pays s’est accompagnée de nombreuses violations des droits humains. Ces violations comprennent des dizaines d’arrestations arbitraires, des cas de tortures et d’exécutions sommaires. Selon la FIDH et l’AMDH, plus de 300 personnes ont été arrêtées durant l’année 2016 pour des raisons liées au conflit. Plusieurs dizaines parmi elles sont détenues illégalement.
Selon les deux organisations, au moins 385 attaques ont été recensées dans le nord et le centre du pays. Plus de 330 personnes dont 207 civils ont été tués au cours de ces attaques. À ceux la, s’ajoutent des actes de tortures, des enlèvements, des détentions arbitraires et des extorsions de tous types. Outre les forces maliennes, le rapport met également en cause les groupes armés ainsi que les forces internationales (MINUSMA et Force Barkhane).
Le premier trimestre de 2017 confirme la tendance déjà observée d’une aggravation continue et sans précédent du niveau de violence au Mali. Au total, la FIDH et l’AMDH ont recensé au minimum 117 personnes décédées et 87 blessées lors d’affrontements inter communautaires dans les régions de Mopti et de Ségou en 2016 et 2017. Ces incidents s’accompagnent par des vagues de déplacement de populations. Ils seraient environ 10 000 déplacés internes dans le centre du pays à ce jour.
La FIDH et l’AMDH s’inquiètent et observent avec préoccupation la recrudescence d’affrontements inter communautaires trouvant leur origine dans des amalgames entre civils et terroristes.
L’armée malienne rejette ces accusations des organisations de Droit de l’homme. Pour elle, « ce ne sont que des allégations non fondées».
Colonel major Abdoulaye Coulibaly sous chef d’état major chargé des opérations:
«Les allégations, elles viennent d’où, elles viennent de qui ? Les preuves sont où ? Où sont les victimes ? C’est ce qu’on veut savoir. Tous les GTIA qui ont été formés, ont reçu à Koulikoro une mission des droits de l’Homme et du CICR. L’EUTEM signe des contrats avec des experts en matière des droits de l’Homme pour venir monter de scénarios ou un conflit. Voici ce que nous, nous considérons comme terroriste qui se trouve là. Voici une école, un village, comment faire le distinguo ? Comment gérer ce terroriste qui est là sans pour autant affecter cette population qui est à côté et pour laquelle nous vivons, cette population qui est notre raison d’être. Une armée qui se dit professionnelle, une armée qui se dit moderne ne peut pas agir et ignorer les droits de l’Homme. Il faut éviter de stéréotyper. Soldat Coulibaly a fait çà, soldat Diarra a fait çà, c’est des individus qui ont fait qui revêtent l’uniforme mais, qui ne sont pas représentatifs des FAMAs, par ce que les ordres ne viennent pas des chefs et ils répondront en tant que tel. Maintenant, par ce que deux ont fait sur 100 soldats, on dit les FAMAs, mais, c’est trop facile ».
Selon certains observateurs, ce rapport de l’AMDH et de la FIDH prouve l’instabilité constante dans ces zones là.
Ils estiment que, « la réalité du terrain pousse les militaires à se faire justice »
Bréma Ely Dicko enseigne à l’université de Bamako :
« Ils reçoivent toujours des formations en droits humains, mais entre la théorie et la pratique, il y a un grand fossé. Il y a ce qu’on leur enseigne à Koulikoro, il y a ce que l’EUTEM leur enseigne en matière de respect des droits de l’Homme, mais ça c’est en matière de théorie. Quand vous allez aux fronts, souvent il y a certaines populations qui ne sont pas forcément très accueillantes, elles considèrent l’armée comme étant des forces de répression, pas forcément les agents qui sont directement sur le terrain aujourd’hui ».
Donc, si je comprends bien, ce sont les réalités du terrain qui favorisent cet état de fait ?
« Bon, on va dire que ce sont les réalités du terrain, mais au-delà de la réalité du terrain, il y a un sentiment de ras-le bol. C’est-à-dire que les militaires se disent qu’eux, ils arrêtent des gens qu’ils considèrent comme étant des jihadistes, ils les envoient à Bamako et la justice les libère en disant que ce ne sont pas jihadistes. Donc à un moment donné, vous imaginez que, ils sont quand même des hommes, face aux réalités du terrain à un moment donné, si on prend, il y aura un besoin minimum de justice quoi. D’ailleurs dans toutes les armées, quand il y a des guerres comme ça, il y a des cas des exactions, et des bavures réelles ».