Les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des 15 pays africains membres de la zone CFA se sont réunis en fin de semaine à Abidjan pour discuter de l’évolution de leurs économies. Cette réunion se tient dans un contexte de polémique sur la monnaie commune considérée par certains dirigeants comme un élément de stabilité et pour d’autres comme un handicap pour le développement de la zone déjà confrontée à de fortes turbulences en raison de la baisse des cours des matières premières.
Le ministre français de l’Économie Michel Sapin a refusé ce vendredi, d’évoquer le débat sur le franc CFA. Le ministre français s’est retranché derrière la souveraineté des Africains sur le sujet lors d’une réunion des ministres des Finances de la zone franc dans la capitale ivoirienne. Pour lui » le Franc CFA malgré son nom est la monnaie des Africains, ce n’est plus la monnaie de la France. Sur toutes ces questions-là, c’est aux Africains de se prononcer « a-t-il indiqué . Michel Sapin a souligné le rôle institutionnel de la France comme » élément de garantie de la monnaie mais, pour le reste, son rôle est avant tout d’écouter, de faciliter et d’appuyer lorsqu’il le faut », a-t-il précisé.
La zone Franc comprend 14 pays d’Afrique subsaharienne . Le quinzième membre est l’archipel des Comores. Le lien du franc CFA avec l’euro est considéré par beaucoup comme un gage de stabilité. Mais pour certains économistes et responsables africains le franc CFA freine le développement de l’Afrique . Ils considèrent que ce lien avec l’ancienne puissance coloniale est une perte de souveraineté, les pays étant tributaires de la zone euro.
Paris s’est dit ouvert, à la mi-mars dernier, « à toutes les propositions » que les 15 pays de la zone franc pourraient formuler lors de la réunion d’Abidjan où il a été aussi question des programmes du FMI et l’accès des pays à des emprunts.
Cette réunion d’Abidjan des ministres des finances a relancé le débat dans tous les pays de la zone sur l’abandon du franc CFA.
Au Mali, la question du retrait du Franc CFA fait débat chez les économistes. Si pour certains «il est temps d’aller vers la création d’une monnaie sous-régionale des pays de la CEDEAO», d’autres pensent que le franc CFA est une monnaie qui correspond aujourd’hui aux réalités des pays de la zone. Pour Abdramane Coulibaly, enseignant à la faculté de sciences économiques et de gestion de l’université de Bamako, la création d’une monnaie continentale telle que préconisée par la société civile africaine prendra encore du temps :
« A mon humble avis, le franc CFA est une monnaie qui peut être améliorée, mais pour l’instant, elle correspond à nos réalités. Ce que je souhaite pour l’avenir pour le Franc CFA, c’est de négocier des accords monétaires avec d’autres zones, si non en réalité cette monnaie correspond bien à nos réalités, il faut dépassionner le débat».
Alors aujourd’hui, la société civile africaine s’insurge contre le franc CFA, est-ce qu’aujourd’hui, nos pays ont les moyens de battre leur propre monnaie ?
«Pour l’instant ce n’est pas possible, je me rappelle bien en 1980, les chefs d’États se sont réunis à Lagos. Ils ont mis en place le plan de Lagos et ce plan divisait la zone CEDEAO en deux grandes zones monétaires. Il y avait la zone Franc CFA, et la zone monétaire ouest africaine ( ZMAO) et qui devrait à l’horizon 1993 aboutir à une monnaie transitoire qu’on appelait l’ECOWA (economic communauties west africa) et cette monnaie n’a pas vu le jour en 1993. Il y a eu un 2e round, une 2e échéance qui avait été prévue pour 2000, cela n’a pas été fait. Cela est dû au fait que les économies africaines sont disparates, alors qu’en réalité, pour avoir une monnaie commune, il faut qu’on puisse partager les mêmes critères de convergences économiques. Ce qui n’est pas encore le cas. Aujourd’hui, le plan africain de création d’une monnaie continentale prendra encore du temps ».