Depuis plusieurs jours certains quartiers de la capitale sont confrontés à une pénurie d’eau. Si dans certains quartiers l’eau n’est accessible que la nuit, dans d’autres localités les bornes fontaines et les robinets sont à sec depuis des semaines. Cette situation suscite la colère et l’indignation chez les populations de ces quartiers populaires. Certains habitants envisagent de manifester.
Ici à Lafiabougou, c’est l’eau qui manque le plus. Dans ce quartier populaire de Bamako, les habitants passent plusieurs jours sans voir une goutte d’eau sortir du robinet. Une situation qui les contraint, selon eux, à faire des kilomètres pour avoir le précieux liquide :
«Dans notre cas précis, on ne parle même pas de coupure, parce que la coupure suppose qu’on est privé d’eau un moment et ça revient. Or maintenant, ça ne vient même plus. On peut faire 72 h sans avoir de l’eau. On est obligé de se déplacer jusqu’à des centaines de mètres ou à quelques kilomètres pour chercher de l’eau. On est entrain de créer une association pour la circonstance et ensemble, nous allons manifester notre mécontentement à la Société malienne de gestion de l’eau potable (Somagep) comme certains quartiers l’ont fait avant nous»
A Sébénikoro, c’est le même constat et la même frustration chez la population. Assises sur leurs bidons, elles sont plusieurs femmes à s’approvisionner en eau dans ce forage. Selon elles, cette situation perdure depuis plusieurs semaines :
«C’est environ jusqu’à des fois 1h ou 2 h, on se fatigue trop pour avoir de l’eau. Souvent même si ça vient, ça devient comme de la boue, c’est trop sale. On n’en peut plus vraiment. Pour cuisiner il faut qu’on aille puiser de l’eau dans les puits des gens. Il y a des gens qui se plaignent. Or, les personnes âgées ont besoin d’eau et beaucoup d’eau, parce qu’il fait très chaud. La pénurie d’eau a de graves conséquences».
L’eau est devenue une denrée rare dans plusieurs quartiers de la capitale. Qu’elles soient de la rive droite ou gauche du fleuve, des populations se plaignent des coupures incessantes d’eau. Elles appellent les autorités à trouver des solutions à cette pénurie d’eau.
A la société malienne de gestion d’eau potable «SOMAGEP», les responsables expliquent les raisons de cette pénurie d’eau. Selon eux, l’augmentation des abonnés, la position de certains quartiers par rapport au réseau de distribution sont à l’origine de ces coupures d’eau. Ils annoncent la reprise «prochaine» de l’opération citerne pour approvisionner certains quartiers.
Abdoul Karim Koné, chef du service communication de la SOMAGEP :
«En termes de raisons, nous pouvons évoquer trois raisons principales. D’abord, l’insuffisance de notre capacité de production vis-à-vis de la demande et il y a aussi la situation géographique de certains de nos abonnés qui se trouvent en altitude ou qui se trouvent au bout du réseau. Et troisièmement, il y a présentement beaucoup de coupures d’électricité et puisque les usines de traitement fonctionnent avec l’électricité, cela nous handicape aussi. Voilà des raisons qui expliquent présentement les coupures d’eau à Bamako. Bien sûr, des dispositions sont prises, il y a la construction de la station de Kabala qui rentrera en fonctionnement en début 2019, ça c’est un élément très important qui va renforcer la capacité de la SOMAGEP. En plus de cela, je pense que le gouvernement aussi de son côté a pris des dispositions pour réaliser ce qu’ils appellent les systèmes hydrauliques villageois améliorés, et en plus de tout ça, la SOMAGEP SA est entrain de voir dans son périmètre les zones extrêmement déficitaires pour réaliser l’opération citerne ».
Pour la société civile, l’accès à l’eau potable n’est pas la prioritaire pour les décideurs et le secteur ne bénéficie pas des financements et moyens humains adéquats. Les militants de l’accès à l’eau potable regrettent que chaque année le même problème se pose malgré les alertes de la société civile.
Dounathié Dao est président de la Coalition nationale de la campagne internationale pour l’eau potable et l’assainissement:
«L’explication que nous pouvons donner à cela est à 2 niveaux : le premier niveau c’est le faible investissement de l’Etat au niveau du sous secteur de l’eau potable qui, on voit aujourd’hui, les besoins en eau potable avec à peu près 5 millions des Maliens qui n’ont pas accès à l’eau potable. Et vu le budget national avec mois de 2 % alloués au secteur global de l’eau et l’assainissement, donc, on se dit que les efforts sont nettement en deçà des besoins. Cela s’illustre au niveau de Bamako ici du fait qu’aujourd’hui, la problématique se pose avec acuité. Plus d’une décennie nous sommes sur le même combat entrain d’attirer l’attention des pouvoirs publics, parce qu’il y a une absence de priorisation du secteur qui fait que celui-ci est faiblement financé par l’Etat. Nous conviendrons avec vous qu’il y a une absence d’anticipation, mais pas une absence d’alerte par rapport à la situation».