A Dakar et dans plusieurs capitales africaines et occidentales, une série de manifestations a été organisée contre le franc CFA. Une journée de mobilisation qui intervient à quelques jours du 27ème Sommet Afrique-France prévu à Bamako. Pour les manifestants, le CFA reste un symbole du colonialisme et les pays membres doivent créer leur propre monnaie. Ces mobilisations d’activistes relancent une fois de plus les débats sur le retrait ou non du CFA. Pour le ministre malien de l’économie et des finances, la question n’est plus un tabou, mais les pays ne sont pas prêts pour une sortie.
Officiellement créé le 26 décembre 1945, le CFA regroupe 14 pays de l’Afrique sub-saharienne, dont le Mali, et 6 Etats de l’Afrique centrale. Après les indépendances, plusieurs Etats se sont retirés et ont créé leurs propres monnaies, dont la Guinée Conakry.
Pour le ministre malien de l’économie, si le débat mérite d’être posé, beaucoup de pays ne sont pas encore prêts pour une sortie :
« Evidemment, quand cette volonté a été exprimée, il y avait des conditions qui étaient liées à ça. On devait y arriver d’ici l’horizon 2020 et il y avait des besoins, des critères liés à la convergence et puis à la surveillance multilatérale qui devraient être respectés avant cette date là. Quant on fait un point au jour d’aujourd’hui, beaucoup de pays sont en retard par rapport au respect de ces normes là. Tout porte à croire que cette monnaie unique ne verra pas le jour comme c’était prévu en 2020. Pour pouvoir y arriver voilà le chemin qui a été tracé et pour l’instant, nous n’y sommes pas ».
Pour le ministre malien de l’économie, la volonté politique est déjà là et c’est un pas important:
« Je pense que la volonté politique est là, les débats sont de plus en plus insistants et persistants. Que ce soit les chercheurs ou certains hommes politiques africains, rien ne nous empêche d’y arriver, mais pour pouvoir y arriver, il y a des critères à observer que certains pays n’arrivent pas encore à observer ».
Quant au député de l’opposition, Mody N’Diaye, la question n’est pas de sortir ou pas. Mais selon lui, « il faut déconnecter le CFA de l’Euro pour une meilleure croissance des Etats membres » :
Mody N’Diaye, économiste, député de l’opposition :
« Le problème d’abord ne se pose pas en terme d’avoir une monnaie unique, le problème c’est son rattachement à l’euro, parce que ce sont deux zones qui ont des économies différentes. Et même là encore, on peut le mettre en débat et avancer. Mais, avoir nos réserves au niveau de la banque, du trésor français, la problématique de la convention que nous avons avec la France, là c’est inacceptable ».
Les manifestations de ce week-end relancent donc les débats sur la problématique du retrait ou non du CFA. En attendant une décision sur la question, certains présidents africains, dont celui de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, restent convaincus que le CFA profite aux économies des pays membres.
Pour le ministre malien de l’économie, « la position de chacun sur la question mérite d’être respectée » :
« Je pense qu’il faut respecter en la matière la position de chacun. Chacun a sa croyance en la matière, chacun a sa façon d’approche en la matière. Comme vous l’avez dit, les chefs d’Etats qui pensent qu’il est bon et préférable que nous restions dans la zone euro et qu’on continue d’avoir cette convertibilité là entre le franc CFA et l’euro, c’est parce qu’ils y voient des avantages pertinents en la matière. D’autres pensent autrement, je pense que chacun a sa position, il faut les respecter ».
La problématique de la monnaie a été un des thèmes débattus par les alter-mondialistes réunis depuis hier à Ouéléssébougou pour la 12ème édition du Forum des peuples. Pour la société civile africaine, « les Etats-membres du CFA doivent avoir le courage de rompre avec la coopération monétaire avec la France et aller vers une monnaie propre ».
Salif Kakambéga est Coordinateur scientifique du Centre de recherche internationale des stratégies du Burkina Fasso. Il est joint au téléphone par Idrissa Sako :
« Aujourd’hui nos autorités doivent avoir le courage, c’est à dire rompre avec la coopération monétaire avec la France et avoir une approche de notre propre monnaie. Cela peut se faire également au niveau du projet de monnaie unique Cédéao à moins qu’on ait encore d’autres formes de coopération qui vont naître à la suite de la création de cette monnaie ».
Donc vous proposez une monnaie unique Cédéao en lieu et place du franc CFA ?
« Il y a un projet de monnaie unique depuis 1983, l’idée a germé en 1999-2000 avec beaucoup de plans. Donc moi je dis, si l’on conduit ce projet à bout, alors on quitte cette coopération monétaire avec la France. Le projet de la monnaie unique Cédéao est un projet qui concerne tous les pays de l’Uémoa et aussi 6 pays de l’Afrique de l’ouest qui n’ont pas en partage le franc CFA comme monnaie ».