Le procès de l’ex chef de la junte, Amadou Haya Sanogo, et des 17 autres accusés dans l’affaire des bérets rouges a commencé aujourd’hui à Sikasso. La salle d’audience bondée prévue pour recevoir 1000 personnes a accueilli ce matin les prévenus. Au premier rang des 18 co-prévenus, le général Amadou Sanogo. A la demande de la défense, le procès a été suspendu jusqu’à vendredi.
L’ex-putschiste comparait depuis ce matin 10h20 avec 16 co-prévenus devant la cour d’assises de Sikasso pour « enlèvement et assassinat, complicité d’enlèvement et d’assassinat » dans l’affaire des bérets rouges. Encadré de deux militaires, vêtu d’une veste marron chemise blanche et cravate bordeaux, Amadou Sanogo est apparu amaigri. Il a indiqué toutefois avoir « le moral et qu’il attendait ce jour ».
A l’ouverture des débats, le procureur général a rappelé que l’accusé n’est ni plus ni moins qu’un simple citoyen. La défense a réagi en affirmant que Amadou Sanogo est général de corps d’armée et ancien chef d’État. Dans le box où il a pris place, il est entouré de Yamoussa Camara, son ministre de la défense d’alors et de son chef d’État major Dahirou Dembele. Il encourt la peine de mort.
L’audience se déroule dans une salle de spectacles pouvant accueillir un millier de personnes. Le tribunal ayant été jugé trop exiguë. Le procureur général, Mamadou Lamine Coulibaly a déclaré en début d’audience que « le procès mettra le temps qu’il faut pour la manifestation de la vérité ». Le porte-parole du collectif des avocats de Sanogo a affirmé « saya ka foussa ni maloya yé », autrement dit « la mort vaut mieux que la honte ». « Nous sommes là pour dire toute la vérité », ajoute-t-il.
Après l’acte d’accusation, la défense a demandé le report du procès. La cour a suivi cette demande de la défense. Les débats reprendront vendredi.
Tout en prenant acte des réquisitions du parquet, les avocats de la défense ont demandé un report pour s’entretenir avec leurs clients.
Me Harouna Toureh, avocat de le défense, est au micro de notre envoyé spécial à Sikasso Mariam Maïga :
« Nous avons évoqué un élément important : c’est que le juge d’instruction a eu la main lourde, n’a eu aucun respect pour la procédure pénale, il a éparpillé nos clients en créant volontairement une incapacité pour nous de communiquer avec eux. La Cour en a pris conscience et accepté de nous accorder 24 heures afin de nous permettre de communiquer librement avec nos clients. Ceci est conforme à la loi et aux droits des accusés. Le Mali est devenu spécialisé dans le procès des militaires. Je voudrais vous faire remarquer que le Mali est l’un des rares pays qui aime juger ses enfants qui portent des tenues militaires. De 1960 à ce jour, je ne sais pas combien d’officiers, sous-officiers et soldats sont passés devant la justice de leur pays, ce que je regrette. Ce n’est ni le moment, ni l’occasion de faire en sorte ces porteurs de tenues qui ont pour mission de porter l’honneur de ce pays, soient à chaque occasion conduits devant les juridictions pour être déshonorés ».
Pour les avocats de la partie civile, la suspension du procès jusqu’à vendredi n’est qu’une stratégie de la défense. Ils souhaitent maintenant que le procès démarre très vite.
Me Hassane Dioma N’Dima au micro de Mariam Maïga
« Mes impressions sont un peu mitigées. Il y a d’une part cet espoir de voir ce procès démarrer très vite même si nous étions conscients que ce procès allait s’ouvrir sous le vacarme. Nous savons que c’est la stratégie de la défense en de pareilles circonstances, mais en toute courtoisie il n’y rien de mal en cela. Je pense qu’il est normal qu’un avocat demande un report pour pouvoir organiser sa défense, consulter son client. Maintenant ce qu’on peut espérer, c’est que ce procès puisse vraiment démarrer, parce que la soif de justice est grande chez ces victimes qui sont dans le désarroi le plus total. La victime ne comprend jamais ces artifices qu’on peut utiliser pour obtenir un renvoi même si c’est dans l’ordre normal des choses sur le plan professionnel. Mais nous espérons qu’il est temps que la lumière éclate dans cette affaire et que les victimes puissent être fixées ».