L’adoption par le gouvernement des projets de décret portant mise en place des autorités intérimaires provoque des remous au sein de la Coordination des mouvements armés de l’Azawad. Quatre mouvements de la CMA rejettent en effet la liste des représentants et dénoncent « un choix sélectif et non consultatif ». Selon eux, « le décret n’engage pas la majorité de la CMA ».
Conseil des extraordinaires ce vendredi à Bamako. Le gouvernement a adopté des projets de décret portant nomination des membres de l’Autorité intérimaire des régions de Tombouctou, de Gao et de Kidal et du Collège transitoire des régions de Taoudénit et de Ménaka. Une partie des groupes armés salue « une avancée » dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation. Selon certains responsables de la CMA, cette décision constitue « une lueur d’espoir ».
Almou Ag Mouhamed est porte-parole de la CMA. Il est joint par Samba Doumbia.
« Cette décision était attendue depuis très longtemps, pas seulement par les parties signataires, mais aussi par la communauté internationale qui commençait un peu par s’impatienter. Donc la décision du gouvernement est à saluer, ça prouve sa volonté cette fois-ci de prendre les taureaux par les cornes. Ça prouve également qu’ont veut aller rapidement dans la mise en place des dispositions de l’accord. Pendant toutes les sessions du Comité de suivi qui ont précédé, c’était la question qui constituait l’épine dans la mise en œuvre de l’accord. Donc, ceci étant, si les autorités intérimaires venaient à être mises en place, elles prendraient cette fois-ci leurs responsabilités pour s’atteler à travailler sur les questions qui relèvent de leurs compétences ».
Cet avis est loin d’être partagé par une partie de la CMA. Face à la presse, certains responsables du MNLA, de la CPA, de la CMFPR2 et du MSA, ont contesté hier la liste envoyée par la direction de la CMA. Les frondeurs de la CMA ne comprennent pas « pourquoi un conseil des ministres extraordinaire a été réuni si soudainement pour faire passer un décret ». Selon eux, une réunion de consultation sur les autorités intérimaires était prévue lundi.
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun est le porte-parole des groupes dissidents. Il est au micro de Mahamane Baba Kounta
« Ce décret n’engage pas la majorité écrasante de la CMA. Je vous informe solennellement, la CMA ne fera ni DDR, ni cantonnement, ni patrouilles mixtes sur la base de ce décret. Il doit être revu, il doit être concerté, il doit être consultatif. Un accord ne sera pas mis en œuvre par des autorités intérimaires qui nous ont été imposées en tant que majorité écrasante de la CMA. Nous ne sommes pas sous la tutelle d’une région quelconque, encore moins d’un mouvement quelconque venu de Kidal ou d’ailleurs. Les listes qui ont été envoyées chez Monsieur le ministre, ont été communiquées par deux mouvements de la CMA et à Kidal. Et c’est dangereux pour le pays parce que l’accord ne sera pas mis en œuvre comme ça. Aujourd’hui nous ne reconnaissons aucun porte parole de la CMA qui soit favorable à ce décret. Nous le rejetons lui et son décret en bloc. Nous ne reconnaissons pas ce décret, nous ne reconnaissons pas celui qui parle en tant que porte parole qui est là et qui ne gère rien sur le terrain ».
La plate-forme de son côté pense que la mise en place des autorités intérimaires devrait intervenir après l’achèvement du processus de DDR. Mais, selon eux, il faut avancer pour rattraper le temps perdu.
Fahad Ag Almahmoud est secrétaire général du Gatia, membre de la plate-forme. Il est joint par Idrissa Sako.
« Tout d’abord je salue la décision de la mise en place des autorités intérimaires prise lors de ce Conseil des ministres extraordinaire. C’est la dernière phase d’application de l’accord, malheureusement on l’a ramené à la première phase, c’est ce qui a provoqué tout ce blocage. Il faudrait quand même avancer dans la mise en œuvre de l’accord, vous l’avez remarqué, même la communauté internationale a commencé à s’impatienter et a constaté que l’accord prend du temps avant d’être concrètement appliqué.
Vous pensez qu’avec la mise en place des autorités intérimaires, le processus peut prendre un coup de fouet ?
Oui je le pense et je pense aussi qu’il faudrait prendre en compte tous les acteurs du processus ».
En juillet dernier, les jeunes de Gao avaient violemment protesté contre la mise en place des autorités intérimaires dans leur localité. Des manifestations, qui ont provoqué des morts et des blessés, avaient été organisées. Après la décision du Conseil des ministres de vendredi, le Mouvement populaire de résistance pour le suivi de l’accord de Gao, salue le décret et souhaite l’accélération du processus de paix. Selon le mouvement de jeunes, « si la paix passe par ces autorités intérimaires, la jeunesse ne peut que s’inscrire dans cette voix ». Abdoul Karim Samba, porte-parole des jeunes de Gao, joint par Idrissa Sako.
« En tant que jeunes du Mali et des régions du Nord, notre souhait est que la paix revienne dans notre pays. Si réellement c’est la mise en place des autorités intérimaires qui peut sortir notre pays de l’ornière, tous les Maliens doivent s’investir pour cela. Il y a eu une mauvaise communication autour de ces autorités intérimaires. Gao n’a jamais dit qu’elle n’est d’accord avec la mise place des autorités intérimaires. Ça été dit à un moment où les gens n’avaient pas la vraie information, donc la vraie communication n’avait pas passé. Comment ces autorités intérimaires devraient être mises en place ? Cela n’avait pas été dit. Donc il y a eu un dysfonctionnement au niveau de la communication à ce niveau qui a abouti à une révolte de la population, et nous a poussé, nous de la jeunesse de Gao à dire non aux autorités intérimaires. Nous l’avions dit juste pour avoir des éclaircissements. Je crois que maintenant, tout le monde se trouve dans la même logique pour soutenir l’Etat, pour accueillir ces autorités intérimaires afin d’aider notre pays ».