La Suissesse Béatrice Stockly enlevée à Tombouctou, dans la nuit du 7 au 8 janvier est apparue dans une vidéo transmise ce mardi à l’agence privée mauritanienne Al-Akhbar. L’enlèvement a été revendiqué par « l’Émirat du Sahara », une branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique.
Dans cette vidéo de huit minutes, qui n’a pas pu être authentifiée de manière indépendante, Béatrice Stockly apparaît voilée et déclare que l’enregistrement a été réalisé le 19 janvier. Dans ce document, Al Qaïda au Maghreb islamique revendique sa responsabilité dans l’enlèvement de Béatrice Stockly, qui, « par son travail, a éloigné de nombreuses personnes de l’islam », affirment ses ravisseurs.
D’après l’agence de presse, Aqmi exige « la remise en liberté d’un certain nombre de ses combattants en prison au Mali et l’un de ses dirigeants, Abou Tourab, détenu à la Cour pénale internationale». Abou Tourab est le nom de guerre de Ahmad Al Faqi Al Mahdi. Il était un des chefs du groupe jihadiste malien Ansar Dine, lié à Aqmi.
Il est accusé de destructions d’édifices religieux et de monuments historiques à Tombouctou en 2012. Il est de fait le premier jihadiste devant la CPI, et le premier suspect arrêté dans l’enquête de la Cour sur le Mali. Il a comparu pour la première fois en septembre à La Haye, où il est détenu.
Par ailleurs, la Suisse a exigé ce mercredi la libération « sans condition » de sa ressortissante Béatrice Stockly. Un porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères a indiqué avoir « connaissance de la vidéo en question ». La Suisse demande la libération sans condition de la personne enlevée, a-t-il ajouté, en refusant de dire s’il y avait eu une demande de rançon.
Le ministère suisse, qui a mis en place une cellule de crise dès l’enlèvement, a indiqué être en contact avec les proches de Mme Stockly et avec les autorités maliennes.
Il a rappelé que depuis le 1er décembre 2009, les voyages au Mali sont déconseillés aux ressortissants suisses en raison du risque élevé d’enlèvement. A propos de la décision de la Suissesse de retourner à Tombouctou, le ministère a souligné qu' »après l’épisode de 2012, (il) avait attiré l’attention de cette personne sur les risques élevés qu’elle encourait au Mali (…) et lui avait expressément déconseillé de retourner dans ce pays ».
Selon certains observateurs, cet enlèvement révèle à la fois « un retour aux prises d’otages et une répartition des tâches entre les différents groupes terroristes dans le Nord ». Selon eux, seule une mobilisation des populations appuyée par l’action militaire, peut stopper l’avancée des groupes jihadistes.
André Bourgeot est chercheur et anthropologue. Il est au téléphone de Famoussa Sidibé :
« Première chose c’est de savoir s’il n’y a pas un comportement un peu irresponsable que de vouloir absolument rester à Tombouctou dans un contexte d’insécurité permanent ? La deuxième chose qui me parait importante, c’est que c’est un retour aux prises d’otages. Troisième chose c’est que c’est explicitement revendiqué par Aqmi. Quand même, huit à neuf jours après la prise d’otage, donc à partir de là on peut se poser la question suivante : est-ce qu’il n’y a pas une répartition des tâches qui se ferait, c’est une hypothèse, entre Aqmi, Almourabitoune et Ansare Dine ? C’est aussi un retour aux revendications de libération des otages, donc ça va réenclencher le problème des négociations, des négociations entre les autorités maliennes et les groupes armés narco-jihadistes et plus particulièrement avec Aqmi. Je crois que la violence militaire mutuelle ne résoudrait pas le problème, d’où le fait que, c’est aussi aux populations locales, je dis bien locales à s’organiser pour contrecarrer les influences et les pratiques de ces groupes armés narco-jihadistes. Si il n’y a pas une mobilisation du peuple malien, non pas dans sa totalité au niveau national, mais grandes villes par grandes villes, villages par villages, je pense que ça pourrait difficilement déboucher sur quelque chose de constructif ».