Trois jeunes ont été froidement abattus avec des armes à feu hier vers 20h à Tombouctou. Ils étaient devant la radio associative chrétienne « Tahanint » (la grâce miséricorde). L’une des victimes travaillait dans cette station. Les assaillants n’ont pas encore été identifiés.
A ce stade l’enquête qui est en cours n’exclut aucune piste. L’annonce de la nouvelle a provoqué un vif émoi dans la ville. La population est partagée entre colère et incompréhension. Pour le directeur de la radio « Tahanint », les enquêtes doivent faire toute la lumière sur ces assassinats.
Pasteur Abdoulaye Cissé est directeur de la radio « Tahanint » de Tombouctou. Il a été joint au téléphone par Issa Fakaba Sissoko :
« J’imagine mal que dans une ville comme Tombouctou, en plein centre ville, des individus puissent abattre trois jeunes et disparaître comme ça, sans être inquiétés. C’est un sentiment de colère, mais d’impuissance aussi. Je me demande où est-ce que nous sommes ? On est en droit de se poser la question de savoir si le dispositif de sécurité fonctionne dans la ville. Quand on voit tout ce qui se passe dans la ville, il faut se poser des questions. On ne peut rien dire sur les assaillants, c’est maintenant que les enquêtes ont commencé. On attend ce que celles-ci vont donner comme résultats. A ce stade aucune piste n’est à écarter. Pour le moment, il n’y a pas eu de revendication. On sait quand même que Tombouctou est maintenant le nid des terroristes, mais également du bandits, tout simplement, incontrôlés, capables de commettre des forfaits. Tombouctou compte au moins huit radios, et c’est la radio Tahanint qui a été visée. On peut, peut être, penser que c’est à cause du caractère confessionnel de la radio. Mais jusqu’au jour d’aujourd’hui, il n’y a jamais eu de problème avec les populations, nous vivons en bonne entente avec nos frères et sœurs d’ici depuis très longtemps ».
Au niveau de la population, c’est aussi l’émotion et la tristesse. Pour l’instant très peu d’informations filtrent sur les circonstances et les mobiles de cet assassinat. Mais selon les premières constatations , le forfait aurait été commis par un seul individu.
Mohamed Ibrahim est président de l’Assemblée régionale de Tombouctou. Il a été joint au téléphone par Issa Fakaba Sissoko.
« Aujourd’hui il est très difficile de donner une image ou des indications sur les faits. Tout ce qui est certain, c’est que l’assassinat a été commis par un professionnel, parce qu’il a été commis de sang froid. La personne qui a commis l’acte sait bien ce qu’elle faisait, elle l’a fait en toute tranquillité.
Est-ce qu’on peut dire que c’est une seule personne qui a commis le forfait ?
Oui, c’est une personne qui a commis l’acte. Parce que d’après les premières indications la personne est repartie tranquillement en gardant son sang froid. Il n’y a pas eu de véhicule ou d’autres engins venus le chercher pour qu’on puisse penser que c’est un groupe. La ville est bouclée, donc ce ne sont des assaillants qui sont venus de l’extérieur pour commettre un crime. En ce moment l’armée se met en mouvement. Mais quand ce sont des gens qui vivent parmi nous, c’est une situation très compliquée à prévoir ».
Suite à ce drame, les responsables des radios de Tombouctou ont décidé de suspendre leurs programmes de diffusion pendant trois jours. Par ce mouvement, les radios de Tombouctou expriment non seulement leur compassion aux victimes, mais également réclament plus de sécurité dans la ville. De son côté l’URTEL condamne ces événements et interpelle les autorités.
Bandjougou Danté est le président de l’Union des radios et télévisions libres du Mali. Il est joint par Barké Cissé :
« Nous condamnons fermement cette attaque devant la radio Tahanint de Tombouctou. Rien ne justifie une telle barbarie, rien ne justifie un tel comportement. Comment l’on peut se permettre d’ôter la vie à des êtres humains comme ça. C’est vraiment triste. Nous réitérons l’appel que nous avons toujours lancé, nous demandons plus de protection dans l’exercice de notre fonction. Aujourd’hui les gens sont exposés à des dangers, à des attaques parfois inexplicables. Déjà, à travers l’ensemble de nos coordinateurs régionaux, nous avons décidé de condamner unanimement ce comportement odieux. C’est le sentiment partagé par l’ensemble de nos représentants régionaux. Mais la façon de manifester la condamnation peut varier d’une localité à une autre. Nous allons démarcher à nouveau les autorités pour que l’URTEL et l’ensemble des travailleurs des médias, soient vraiment protégés. Pour le moment, nous devons avoir une attitude commune au niveau de la presse malienne par rapport à cette tragédie qui, en réalité, n’épargne personne ».
Ce vendredi après midi, un message diffusé par les journalistes et autres travailleurs de médias a condamné les événements de Tombouctou et exigé que toute la lumière soit faite sur les circonstances de cet assassinat.