Après le choc provoqué par l’attaque de l’hôtel « Byblos » les habitants de Sévaré essayent progressivement de retrouver le cours normal de leur vie. Du coté des autorités maliennes, les efforts se sont concentrés depuis hier sur la piste des auteurs des faits et surtout pour tenter de les identifier. Pour autant, le bilan définitif de l’attaque pose question. Les déclarations divergent entre l’armée malienne et la mission des Nations unies.
Pour un responsable militaire malien, l’assaut de l’établissement, qui accueille régulièrement des expatriés, s’est soldé par la mort de cinq soldats maliens, de « cinq terroristes et deux Blancs ».
Selon la Mission de l’ONU au Mali, cinq employés travaillant pour des sous-traitants de la Minusma, ont été tués dans cette attaque : « un Malien, qui était le chauffeur de la compagnie sous-traitante de la Minusma, un Népalais, un Sud-Africain et deux Ukrainiens ».
En l’absence de revendication, le mystère persiste sur les auteurs de l’attaque. Mais selon des spécialistes des questions de sécurité, l’attaque porte la marque d’Ansar Dine, un groupe lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique. Des soldats maliens ont mené des patrouilles dans la nuit de samedi à dimanche à Mopti et dans sa région.
Quatre soldats maliens tués lors de la prise d’otages ont été inhumés samedi à Sévaré en présence des ministres du Développement rural, Boukary Treta, et de la Sécurité intérieure, Sada Samaké.
Sur le déroulement des événements de Sévaré, les versions sont plutôt contradictoires. Selon la port-parole de la Minusma « il ne s’agissait pas d’une prise d’otage, mais d’une confrontation ». Selon elle, l’attaque de Sévaré était un échange de tirs meurtriers. Radia Achouri, porte-parole de la Minusma, au micro de nos confrères de RFI :
« Quatre personnes ont pu cacher leur présence, et on était tout le temps en contact avec eux pour avoir une preuve qui dit qu’ils sont saines et sauf. Ils étaient à l’hôtel, mais ils étaient parvenus à éviter qu’ils soient détectées par les terroristes qui étaient à l’hôtel, et qui, à un certain moment, ont commencé à chercher dans les chambres etc. Quatre ont perdu la vie et le chauffeur malien qui fait partie de cette compagnie contractée par la MINUSMA, a été blessé. Il a été emmené à l’hôtel. En fait il n’a pas s’agit franchement d’une prise d’otages, il y a eu une confrontation. Les terroristes qui tiraient, et je ne peux pas vous dire si les victimes ont été assassinés parce qu’ils sont des étrangers ou non aux yeux des terroristes, ou s’ils ont été pris dans un tir croisé. Il y a une enquête malienne qui a été déclenchée. Cette enquête va établir, nous l’espérons, les faits sur les circonstances exactes de la mort des victimes ».
En attendant les résultats de cette enquête, Gaberi, localité située à une dizaine de kilomètres de Rharouss, sur la rive gauche du fleuve, a été ciblée par deux attaques hier soir. Selon le chef de village, le bilan fait état de 10 morts et de nombreux blessés, tous des civils. Cette attaque qui intervient après une autre la semaine dernière à Rhaouss, a provoqué le déplacement massif de la population. Des avions de la MINUSMA survolent les lieux.
« Ces attaques sont l’œuvre des ennemis de la paix », pense le chef d’état-major de la Minusma, Hervé Gomart. Cependant, selon lui, « la détermination pour la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation doit rester inchangée ».
Ainsi après la libération des otages par les forces spéciales maliennes, un calme précaire semble régner à Mopti. Selon plusieurs témoins joints sur place, la ville reprend son rythme normal, les commerces ont rouvert et le trafic routier reprend progressivement. Mais les autorités locales demandent la réouverture des postes de contrôle au bord du fleuve, fermés en 2012 avec l’occupation des régions du Nord.
Samba Yattassaye est député à Mopti. Il est joint au téléphone par Ayouba Sow :
« Les activités ont repris depuis hier, depuis que la population a appris que les forces armées et de sécurité du Mali ont pénétré dans l’hôtel et anéanti les assaillants. Toute la population de Mopti et de Sévaré vaque à ses occupations depuis hier. Toutes les boutiques sont ouvertes. Pour nous, l’attaque de l’hôtel Byblos est désormais au compte du passé. Tout le monde se sent en sécurité. Les forces armées et de sécurité sont sur le terrain de manière permanente. On a eu des renforts venus de Gao hier. J’avoue que toute la ville est encadrée.
Personne n’a cru que Mopti ou Sévaré pourrait être attaquée, mais malheureusement c’est arrivé. Parce que ces forces qui étaient au bord du fleuve depuis la crise et qu’on a fait replier, il faut que ces postes reviennent. Parce qu’en réalité les jihadistes qui sont derrières le fleuve, des éléments de Amadou Koffa, sont dans les forets entre Ténenkou et Mopti. Ils ne peuvent plus rester dans ces forets. Parce qu’il y a l’hivernage, il y a la montée des eaux. Ils sont obligés de remonter. ».
Avec cette attaque, c’est le secteur hôtelier qui est frappé de plein fouet, et les professionnels crient à la « descente aux enfers ». La région de Mopti est par excellence une zone touristique très prisée. Mais l’attaque de vendredi a porté un coup dur au secteur, regrettent certains professionnels du secteur. La Fédération nationale des industries hôtelleries du Mali, à travers son président, Saloum Siby, demande l’Etat le renforcement de la sécurité devant les établissements hôteliers.