Le bilan s’est alourdi à Gourma-Rharous. Onze soldats maliens ont été tués hier dans une attaque contre leur camp dans la région de Tombouctou. Cette opération a été depuis revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique, selon l’agence de presse privée mauritanienne Al-Akhbar. Pour certains observateurs, « ces attaques sont la preuve que les problèmes de fond ne sont pas réglés dans la signature de l’accord d’Alger ». Aussi, recommandent-ils, « une lutte efficace contre le terrorisme implique la participation de la population ».
Tôt lundi matin, « des hommes armés non identifiés ont attaqué le poste de sécurité de la Garde nationale de Gourma-Rharous », à environ 140 km à l’est de Tombouctou.
Selon le gouvernement « le bilan définitif à ce jour est de onze gardes tués, et un blessé ». Dans un communiqué les autorités maliennes parlent d’ « acte terroriste, lâche et barbare ».
Deux sources militaires, ainsi qu’un habitant de la localité avaient auparavant rapporté à l’AFP, la même attaque, annonçant dix soldats tués. De Mauritanie, l’agence Al-Akhbar a rapporté qu’un porte-parole d’Aqmi, Abou Darda Al-Chinguitty, avait revendiqué auprès d’elle, au téléphone , cette attaque parlant de 9 morts et de quatre véhicules détruits.
Cette attaque est la deuxième plus meurtrière en un mois, après celle qui a provoqué la mort de six soldats burkinabè de la Mission de l’ONU au Mali au sud-ouest de la ville de Tombouctou le 2 juillet et qui a été revendiquée par Aqmi.
La recrudescence des attaques de ces derniers jours prouve que les conditions d’une paix ne sont pas réunies. C’est le constat que font un certain nombre d’ observateurs. Ces attaques, estiment-ils, traduisent la non prise en compte d’une dimension essentielle dans la signature de l’accord de paix d’Alger ». Il s’agit, selon eux, de la lutte contre le narco-jihadisme.
André Bourgeot est directeur de recherche CNRS de Paris, spécialiste du Sahel. Il était l’invité de notre émission « Grand dialogue » d’hier :
« Cette situation repose de mon point de vue un problème de fond : celui des conditions d’élaboration des accords de paix d’Alger. La première chose que je voulais souligner, c’est comment peut-on parler d’accord de paix sans prendre en compte la donnée des groupes narco-jihadistes. Ils étaient dans le septentrion malien, maintenant ils sont pratiquement sur l’ensemble du territoire malien. Si c’est pas pris en compte pour créer les conditions de la paix, il est bien évident qu’ils vont continuer à mener des attaques et à continuer la politique qu’ils mènent depuis plusieurs années.
La deuxième chose qu’il faut ajouter, c’est qu’à partir du moment où les autorités ont reconnu le bien-fondé de l’existence géographique, politique et culturelle de l’Azawad, des gens se réclamant de cette entité cherchent à se positionner pour avoir des postes en vue du futur remaniement. Le problème de fond c’est le contenu des accords de paix ».
Pour lutter efficacement contre le terrorisme, la population doit être associée. C’est la conclusion à laquelle parviennent d’autres observateurs, qui recommandent à l’Etat l’élaboration de stratégies de participation des communautés dans la lutte contre les groupes jihadistes .
Firoun Maïga est spécialiste des questions de sécurité et de règlement des conflits. Il était également l’un des invités du « Grand dialogue » d’hier.
« Il faut que les Maliens comprennent que ceux qui sont dans le Gourma, à Bamako, à Sikasso ou à Kayes, font partie de nous et qu’on comprenne que la lutte contre le terrorisme n’est pas une question de langage, mais de fait et que chacun est concerné par la question. Si nous avons besoin de résoudre nos problèmes, il faut que les autorités maliennes renforcent mieux la sécurité il faut aller au niveau de la base, impliquer les communautés dans la sécurité. Il faut qu’il y ait des politiques au niveau de l’Etat malien visant à amener les populations à prendre leur responsabilité et à coopérer. Ceci est un sacrifice qu’il faut faire tant du côté de l’état malien que des populations. Je suis convaincu que si cette démarche est entamée, que si on va vers les populations pour leur faire savoir qu’elles ne sont pas là pour croiser leurs bras, et que l’armée est là les protéger, il y aura des résultats. L’armée ne peut pas protéger tout à chaque moment, il faut que les gens collaborent ».