Après la signature de l’accord de paix par l’ensemble des parties prenantes au conflit au Nord, les regards sont maintenant tournés vers le processus de mise en œuvre. Parmi les prochaines échéances l’étape consacrée au recrutement et à l’insertion des ex-combattants dans l’administration et les forces armées et de sécurité du pays. Le sujet suscite beaucoup d’attention et de débats, pour autant les préalables sont encore loin d’être effectifs. Pour certains observateurs, cette option, qui n’est pas nouvelle, est « un précédent dangereux dans la résolution des conflits armés ».
Le recrutement des ex-combattants est l’une des dispositions de l’accord de paix d’Alger, dont le parachèvement a eu lieu le 20 juin dernier par la signature des groupes armés de la coordination.
Cette disposition prévoit « le recrutement d’un nombre significatif » d’anciens combattants des groupes armés dans l’administration et dans les rangs des forces armées et de sécurité. De l’avis des acteurs de la mise en œuvre de l’accord, ce recrutement s’inscrit dans un long processus qui implique d’abord le cantonnement des ex-combattants. Une commission d’identification est chargée de cette question, et de l’établissement des listes. Après le cantonnement, le processus doit se poursuivre avec l’intégration et les réinsertions.
La réinsertion concerne surtout les combattants rebelles ayant déserté l’armée. L’accord prévoit ainsi qu’ils réintègrent avec au moins leurs grades précédents, explique-t-on chez les groupes armés. Aucun chiffre n’est encore communiqué, mais la question fait débat au sein de l’armée. Certains observateurs redoutent même des risques de mouvements d’humeur chez certains militaires de l’armée régulière.
Tout ce processus devrait être déclenché après la mise en place du Comité de suivi de l’avis. Depuis le 23 juin dernier, où a eu lieu la réunion inaugurale, une commission travaille à la rédaction du règlement intérieur et du chronogramme de mise en œuvre de l’accord. Une rencontre est prévue dans les prochains jours pour la validation de ces documents par les parties en conflit.
L’intégration des ex-combattants suscite beaucoup de réactions au sein de l’opinion publique. Des observateurs voient dans cette intégration, option déjà utilisée dans le passé, une alternative qui peut aussi « créer un précédent fâcheux dans la résolution des conflits armés ».
Pr. Issa N’Diaye est philosophe, chargé de cours à l’université de Bamako joint par Issa Fakaba Sissoko :
« Ce n’est pas une innovation en la matière. On a déjà vu dans les accords précédents, expérimenté cette solution. Mais dans les faits, on s’est rendu compte que cela n’a servi à résoudre aucun problème. Cela a permis de régler temporairement des problèmes d’emploi et l’accès à certaines ressources par certains combattants. Mais ça ne les a pas empêché de repartir une fois qu’ils estimaient qu’ils pouvaient gagner plus. Je pense que c’est un précédent dangereux, dans la mesure où ça veut dire qu’il faudrait prendre les armes pour avoir une possibilité d’emploi dans ce pays eu égard aux attentes énormes de la jeunesse du Mali dans les différentes régions. Cela est un appel du pied pour les encourager à utiliser des méthodes semblables pour parvenir à leurs fins ».
Selon certains, la connaissance du terrain de certains ex-combattants pourrait aider aux opérations militaires de l’armée ?
« Je ne crois pas du tout. C’est un faux prétexte à mon avis. Je pense que la solution définitive pour débusquer les groupes armés, c’est le recours aux populations en terme d’informations ».