La Mission de l’ONU au Mali a été contrainte hier de retirer un document contesté à la suite de la mort de trois manifestants partisans de groupes armés pro-gouvernementaux à Gao. Les trois personnes ont été tuées dans un rassemblement devant le siège de la Minusma. Celui-ci avait été organisé contre un accord ce week-end entre la Minusma et les rebelles aboutissant, selon eux, au désarmement ou au retrait des forces loyalistes de la ville.
La Minusma a annoncé dans la soirée le retrait du document incriminé et a reconnu une possible responsabilité, après avoir assuré que ses troupes n’avaient pas ouvert le feu sur les manifestants. Ces derniers dénonçaient la conclusion d’un accord sur une « zone temporaire de sécurité » à Tabankort, à mi-chemin entre Kidal, fief de la rébellion et Gao, contrôlé par des groupes armés jugés favorables à Bamako.
Le numéro deux de la Minusma, Arnaud Akodjènou, a rappelé que « le document de travail entre la Minusma et les groupes armés avait pour but d’obtenir une paix sur le terrain ». Il a reconnu également que « l’objectif recherché n’ayant pas été compris, le document a été retiré des discussions ».
Selon la mission onusienne, le bilan des heurts à Gao s’établit à trois manifestants tués et quatre blessés, ainsi que trois policiers de la Minusma blessés, a indiqué la force de l’ONU.
Le collectif des jeunes de Gao, qui parle d’une quinzaine de blessés, accuse la Minusma d’avoir « tiré » sur les manifestants et réclame son départ. David Gressly, chargé des questions humanitaires à la Minusma a annoncé l’ouverture d’un enquête.
La police onusienne a effectué hier des tirs de sommations et utilisé des gaz lacrymogènes pour maintenir l’ordre. Le chef de la police des Nations unies au Mali l’a confirmé au cours d’une conférence de presse de la Minusma à Bamako. Abdounasir Awale : « Il était prévu que la manifestation se fasse au niveau de la place de l’indépendance. Les manifestants se sont déplacés vers le camp de la Minusma. La police de la Minusma à Gao a tiré des sommations. Dans le cadre du maintien de l’ordre, c’est quelque chose d’établi. C’est pas quelque chose d’anormal. Et ils ont usé de gaz lacrymogènes pour pouvoir tenir les manifestants un peu. Voilà les informations qu’on a à cette heure. Il y a une enquête qui sera ouverte et qui va approfondir qu’est-ce-qui a été tiré, combien et comment ça c’est fait ».
Le collectif des jeunes de Gao a appelé la force Onusienne à la neutralité. De plus ses responsables estiment que les zones de Tabankort et Annefis ne peuvent pas seulement constituer des zones de tampons
Aboubakarine Hama membre de collectif des jeunes de Gao : « Nous demandons à la Minusma que les dispositions qu’elle prend dans le cadre du maintien du cessez-le-feu ou de la stabilité, que ces dispositions soient prises et qu’elles concernent toutes les parties et qu’elles soient applicables de façon équitable à toutes les parties et dans toutes les zones. La jeunesse de Gao est sortie car elle n’accepte pas que les mouvements armés quittent Kidal pour venir à Annefis et à Tabankort pour semer la pagaille. Alors s’il y a une zone tampon, il ne peut pas y avoir une zone tampon seulement à coté de Gao. Il faut également une zone tampon du coté de Kidal ».
Les affrontements entre les populations et les forces de la Minusma à Gao, ont suscité des réactions . Le gouvernement ainsi que la classe politique condamnent à l’unanimité les événements et appellent à un retour rapide au calme.
Dans un communiqué diffusé au journal télévisé, le gouvernement du Mali a déploré les incidents survenus à Gao. Les autorités ont exhorté la Minusma « à faire un traitement impartial du gèle des positions ».
Du côté de la classe politique, la condamnation est unanime. La convention des partis de la majorité présidentielle demande « l’ouverture urgente » d’enquête appropriée pour situer toutes les responsabilités.
L’opposition, de son côté, exige que toute la lumière soit faite sur ces événements de Gao. « Nous ne pouvons pas comprendre que la Minusma qui est venue pour sécuriser les populations tirent sur des manifestants aux mains nues », a déploré Amadou Goita du Parti socialiste Yélen Kura.
A Gao la situation était tendue ce matin. Les ministres maliens de l’intérieur et de l’administration territoriale étaient en déplacement dans la localité. Les manifestants ont tenté d’encercler le lieu de rencontre entre les ministres et les représentants des jeunes. Toutes les activités sont suspendues aujourd’hui dans la ville.