Le Mali a désormais un nouveau gouvernement. Quarante huit heures après la passation de service entre les Premiers ministres sortant et rentrant, Modibo Keïta a composé une nouvelle équipe gouvernementale de 29 membres, dont de nouveaux rentrants. Sept ministres quittent le navire, dont ceux impliqués dans l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel.
C’est l’un des principaux enseignements de ce remaniement : les ministres des finances, de la communication et de l’investissement, récemment incriminés dans l’achat de l’avion présidentiel, quittent le gouvernement. Des marches à Bamako avaient exigé leur départ pour être à la disposition de la justice. Le ministère de l’économie et des finances est désormais dirigé par Mamadou Igor Diarra, ancien ministre des mines sous Amadou Toumani Touré.
Dans le nouveau gouvernement Modibo Keïta, sept nouveaux ministres font leur entrée, dont deux candidats à la présidentielles de 2013. Il s’agit de Dramane Dembélé de l’ADEMA qui hérite du porte-feuille de l’urbanisme et de l’habitat , et de Choguel Maïga du MPR, précédemment directeur général de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications. Il devient le nouveau le ministre de l’économie numérique, de l’information et de la communication en remplacement de Mahamadou Camara.
Les ministres concernés par les négociations d’Alger restent à leurs postes respectifs. Il s’agit des Affaires étrangères, de la réconciliation et de la reconstruction, le département de la sécurité et de la protection civile. Les ministères de la décentralisation et de l’administration du territoire deviennent un seul département avec le départ d’Ousmane Sy, remplacé par Abdoulaye Idrissa Maïga.
Le ministères de la défense change de chef. M’Ba Daou cède sa place à Tiéman Hubert Coulibaly, précédemment chargé du poste des domaines de l’Etat et des affaires foncières, désormais occupe par Me Mohamed Bathily, ancien de ministre de la justice remplacé par Mahamadou Diarra.
La représentativité des femmes a chuté dans le nouveau gouvernement Modibo Keïta. Elles étaient cinq dans le précédent, contre trois dans l’actuel. Selon Me Kadida Sangare Coulibaly, présidente de la Commission nationale des droits de l’homme, « cette baisse est incompréhensible ».
L’opposition prend acte de la formation du nouveau gouvernement. Elle le jugera à l’œuvre, mais déjà l’absence de certains ministres impliqués dans les affaires de mauvaise gouvernance est un motif de satisfaction, selon elle. Modi N’djaye est président de groupe parlementaire d’opposition «Vigilance républicaine et démocratique».
« Nous jugeons le gouvernement aux actes. Nous avons constaté que le nouveau gouvernement a été constitué sans les ministres qui étaient suspectés dans les affaires de mauvaise gestion qui ont caractérisée la gestion du gouvernement précédent. A priori, nous n’avons pas de jugement à faire sur ce gouvernement. Notre attente pressante est l’amélioration significative de la gouvernance politique, économique et sociale de notre pays. Nous souhaitons que la question de la corruption, la question relative au nord soient des questions essentielles de priorité pour le pays. Et nous osons espéré qu’avec une très bonne gouvernance, le gouvernement pourrait combler nos attentes. Mais il reste à les juger par rapport aux actes qui seront posés ».
Selon certains observateurs, «le nouveau gouvernement est relativement pléthorique». L’une de ses missions premières est de promouvoir les règles de bonne gouvernance au risque de provoquer la révolte de la société civile malienne». Pour réussir sa mission, selon eux, le Premier ministre, Modibo Keïta, doit mettre en œuvre la loi portant organisation de la sécurité et de la défense nationale. Pr. Abdoulaye Niang, est directeur du Centre de recherche et d’études stratégiques «Sènè».
« C’est un nouveau gouvernement qui va être un gouvernement de transition. Un gouvernement qui est né de la pression : la pression de la société civile à des ministres impliqués dans les marchés de la défense, mais aussi pression du FMI qui veut que d’ici le mois de mars que l’avion présidentiel soit enregistré au niveau du Mali. C’est un gouvernement qui est sous pression de la France qui veut que les accords d’Alger aboutissent très tôt. Ce gouvernement ne peut pas aller très loin. Les pressions sont un peu contradictoires. Si jamais il répondait à la pression de la France, la société civile va se révolter par ce que ça va aboutir à une division du pays au moins en deux.
Vingt et neuf ministres, c’est trop. On aurait dû avoir un gouvernement de dix-huit porte-feuille. C’est un gouvernement à qui on appliquait la théorie burkinabé. Il y a des ministres qui sont dans le gouvernement, dès demain on devrait être dans la vue pour demander leur départ. Il y a des ministres qui sont définitivement cités dans des affaires qui n’honorent pas du tout la dignité malienne, la grandeur de la société malienne ».