Un millier de personnes ont rendu un dernier hommage hier aux cinq employés maliens de l’hôtel Radisson. Cette cérémonie qui marquait la fin des trois jours de deuil national s’est déroulée à côté de l’établissement, en présence du président de la République, Ibrahim Boubacar Keîta.
« Une cérémonie pour ne jamais pardonner à ceux qui ont fait ça et pour ne pas céder à la peur « . Ce sont les phrases qui sont le plus souvent
revenues. Le président visiblement ému, s’est incliné devant les cinq corps recouverts d’un linceul. IBK s’est adressé à la foule en disant en bambara « aujourd’hui, il n’y a pas de discours. Nous sommes là pour accepter la volonté de Dieu, qu’il les accepte dans son royaume « .
Beaucoup d’émotion sur place, notamment parmi les familles venues pleurer leurs morts et exprimer l’impossible pardon. Parmi la foule les collègues des deux vigiles assassinés par les terroristes. Des tee-shirts pour rendre un dernier hommage à ces « braves ». Alors que la cérémonie touche presque à sa fin, un représentant des employés de l’hôtel prend la parole. « Nos frères qui sont morts, dit-il, restent pour nous des modèles. Nous poursuivrons le travail pour que le terrorisme ne remporte pas le combat « . Les cinq victimes ont été décorées à titre posthume par le président Keïta de l’Ordre national du Mali.
Cette cérémonie d’hommage intervient alors que s’achèvent les trois jour de deuil national. Beaucoup de questions restent toujours sans réponses même si un certain nombre commencent à être éclaircies. On sait désormais que les auteurs de la fusillade étaient deux et qu’ils ont bénéficié de complicités. Les enquêteurs cherchent toujours à connaître l’identité des assassins et leur origine. Du coté des victimes, l’identification officielle des étrangers n’a toujours pas été révélée. Hier une cérémonie a été organisée par les autorités chinoises à Bamako pour honorer ses ressortissants tombés à l’hôtel Radisson.
Le dernier bilan officieux s’établit à 14 clients étrangers, six Russes, trois Chinois, deux Belges, une Américaine, un Sénégalais, un Israélien. A ces victimes s’ajoutent six Maliens trois employés, deux gardes, un gendarme tués, outre les deux assaillants. Les plus touchés ont été les ressortissants Russes, six d’entre eux ont été tués. Ils étaient employés d’une entreprise de fret aérien.
La deuxième communauté éprouvée est chinoise dont trois membres sont tombés sous les balles des terroristes. Ils étaient employés par une entreprise publique chinoise et effectuaient une visite au Mali pour discuter de projets de coopération avec des gouvernements africains. Parmi les 14 victimes étrangères deux Belges. L’un d’eux, était haut fonctionnaire au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Parmi les personnes décédées également une Américaine et un Sénégalais, ce dernier était employé d’une société pétrolière. Enfin la victime israélienne était le président d’un groupe de consultants, spécialisé dans le développement international de l’éducation. A ce titre il conseillait le gouvernement malien.
Depuis l’attaque de vendredi, de nombreuses questions restent en suspens La multiplication des attaques terroriste à travers le pays interroge l’impact de l’intervention des forces étrangères au Mali . André Bourgeot est anthropologue, chercheur au CNRS en France . Il était l’invité de notre émission « Grand Dialogue » d’hier.
« Des attentats qu’il y a eu à la frontière ivoirienne, à la frontière mauritanienne, à Sevaré qu’on a cité tout à l’heure, témoignent d’une extension assez importante du terrorisme et un rythme qui se rapproche de plus en plus. Donc, cela pose un problème de la présence des forces militaires étrangères. Et puis particulièrement la force militaire Barkhane dont la mission est d’éradiquer les forces jihadistes. Or depuis l’opération Serval, transformée en Barkane, on ne voit pas les effets immédiats de cette volonté d’éradiquer les groupes armés que moi j’appelle narco-jihadistes. Il ne faut pas minimiser le fait aussi que certains d’entre eux sont dans le trafic de drogue. Ça pose aussi la question autour de la présence des militaires de la Minusma. Je crois savoir qu’il y en a, à peu prêt 10.000. Donc, si on conjugue le nombre de militaires français et le nombre de militaires de l’ONU y compris des militaires chinois (je crois aussi qu’il doit y avoir 200 ou 300 militaires chinois au soin de la Minusma) plus les militaires maliens, on se dit, attendez, avec autant de militaires, comment on ne peut pas essayer d’éviter la prolifération et l’extension de ces pratiques salafistes jihadistes » ?
Le secteur de l’hôtellerie reprend quant à lui peu à peu des activités normales à Bamako. Si certains hôtels ont renforcé les mesures de sécurité, d’autres en revanche n’ont pas changé leur dispositif. Une de nos équipes de reportage a fait le tour de quelques hôtels de la ville.
Au Grand Hôtel de Bamako par exemple, situé en plein centre ville, l’accès est strictement interdit aux véhicules. L’entrée principale est sécurisée par un impressionnant dispositif militaire avec une dizaines soldats armés de la garde nationale. L’accès de l’établissement est possible uniquement à pied, après une fouille au corps et le passage à travers un portique de sécurité. Constat identique à l’hôtel Salam, où les mesures de sécurité ont été renforcées depuis l’attaque de vendredi. À l’hôtel Olympe, seul établissement d’envergure sur la rive droite, deux policiers sont en faction et l’accès est libre aux véhicules, sans mesures particulières à l’entrée. À l’hôtel Radisson, où l’attaque de vendredi a eu lieu, les responsables de l’établissement ont accentué les contrôles. Les voies d’accès sont toujours bouclées par la police nationale. Il y a quelques jours, au cours d’une conférence de presse, les responsables de l’hôtel avaient annoncé la reprise prochaine des activités.