Le Conseil de sécurité des Nations unies a donné son quitus pour l’envoi de 2.500 Casques bleus supplémentaires au Mali dans le cadre de la mission de l’ONU. Cette décision a été prise avec le renouvellement du mandat de la Mission de l’ONU au Mali voté ce mercredi. Plus offensif, dans ce nouveau mandat, La MINUSMA est autorisée à employer tous les moyens nécessaires à la réussite de sa mission notamment prévenir les attaques terroristes contre les casques bleus et une protection accrue des civils.
C’était l’une des principales recommandations du Secrétaire général des Nations-Unies. Ban Ki-moon a présenté il y a quelques jours son rapport sur la situation au Mali et a demandé l’envoi de 2.500 soldats supplémentaires, dont 500 policiers. L’effectif des casques bleus passe désormais à 13.000 hommes.
Le Conseil de sécurité assigne aussi comme nouvelle tâche à la MINUSMA, des mesures à prendre pour lutter contre les attaques asymétriques afin de défendre activement son mandat. La mission est autorisée à « prendre activement des dispositions musclées pour contrer les attaques asymétriques dirigées contre elle et les civils » C’est ainsi qu’elle doit « adopter une position déterminée et ferme pour mener à bien son mandat ».
Le texte demande également aux parties signataires de l’accord d’Alger d’accélérer le processus. Le Conseil de sécurité menace de « sanctions ciblées contre « les fauteurs de troubles qui ne respecteraient pas l’accord ou qui s’attaqueraient à la Minusma ». Ces sanctions peuvent aller du gel des avoirs aux interdictions de voyages.
Pour le ministre des Affaires étrangères, le texte adopté « intègre les attentes du gouvernement malien ». Abdoulaye Diop a réaffirmé l’engagement de Bamako à « tout mettre en œuvre pour une application diligente et intégrale de l’accord pour la paix et la réconciliation ».
Au moment où le conseil de sécurité se penche sur ce mandat, des attaques ciblées sont menées dans le nord du Mali. Un convoi de l’armée malienne a été pris pour cible hier soir par des hommes armés non identifiés à Tintelout à quelques km de la ville de Tombouctou. Selon les sources locales, le bilan fait état de quatre morts et plusieurs blessés parmi les soldats maliens ainsi que de deux véhicules équipés emportés. Un convoi de la MINUSMA a également sauté sur une mine sur l’axe Bambara-Maoudé/Tombouctou sans faire de victime.
La société civile des régions du nord attend de la Minusma, qu’elle soit proactive dans l’application de cette nouvelle résolution. Selon ces responsables, « les populations s’inquiètent de l’insécurité grandissante dans ces zones qui les empêchent de circuler en sécurité dans leurs localités ».
Mohamed Ibrahim Cissé est le président du conseil régional de Tombouctou et membre de la société civile. Il est joint au téléphone par Mariam Maïga
« Le changement de mandat n’apportera rien, si sur le terrain, il n’est pas appliqué. La première des choses qu’on attend, c’est la protection des personnes et des biens. Aussi, la possibilité de circuler librement à l’intérieur des régions et sortir des régions pour venir dans le sud ou le reste du pays. Donc, au cours de ce nouveau mandat, il ne faudrait pas que l’on soit coupé du reste du pays. Nous voudrions bien voir, la Minusma aux côtés des Famas sur le terrain. Ne pas voir, la Minusma dans une position défensive, chaque fois se laisser faire attaquer et ne pas réagir. On voudrait bien voir au cours de ce mandat, la Minusma éradiquer aux côtés de nos forces armées de sécurités les menaces qui pèsent sur nous. »
Pour l’ambassadeur de la France auprès des Nations unies, en adoptant cette nouvelle résolution « le Conseil de Sécurité donne à la MINUSMA le mandat le plus robuste possible dans un environnement terroriste ».
François Delattre, ambassadeur de France auprès de l’ONU est au micro de nos confrères de l’ORTM
« Le Conseil de Sécurité renforce la Minusma à deux niveaux. Au niveau d’abord de ses moyens. Nous décidons de déployer 2 500 soldats et policiers supplémentaires au sein de la Minusma. Cet accroissement important des effectifs permettra notamment de déployer des unités militaires européennes spécialisées. Le Conseil de Sécurité demande en outre de renforcer les équipements des contingents de la Munisma, s’agissant notamment hélicoptères d’évacuation médicale, des drones ou encore des véhicules blindés. Il est essentiel que les pays disposant de ces capacités répondent à cet appel. Au niveau ensuite de son mandat par sa résolution 22-95 le Conseil de Sécurité donne à la Minusma le mandat le plus robuste possible dans un environnement terroriste. »
Les responsables de la Minusma sont clairs sur l’interprétation de leur nouveau mandat. Pour eux rien n’a changé dans le texte en terme de lutte contre le terrorisme. D’après ces derniers, « cette mission revient au gouvernement malien, appuyé par la force Barkhane et les forces africaines notamment G5 Sahel ». Par contre, « le nouveau mandat rend la Minusma plus robuste dans ses opérations de contrer les attaques terroristes contre elle et les civils».
Radhia Achouri, porte-parole de la Minusma est au micro de Ayouba Sow.
« Il faut bien souligner que la résolution 22-95 ne change pas le mandat de la Minusma en terme de lutte contre le terrorisme. Ce que le conseil de sécurité a fait, c’est de réaffirmer exactement le même mandat qu’on avait auparavant. Mais cette fois, la différence, c’est qu’il a inclus un langage plus explicite d’être plus robuste et plus active en terme d’opération de contrer les menaces asymétriques ; à savoir que quelqu’un qui tire sur nous ou qui tire sur un civil, on le tire dessus. Quelqu’un qui menace de tirer et on sait qu’il va tirer, on lui tire dessus. Mais si on est à Tessalit et il y a quelqu’un de l’autre bout du pays et on sait qu’il est terroriste, ce n’est pas à la Minusma d’aller le chercher tant qu’il ne présente pas une menace pour nous et les civils. C’est à l’Était malien et à Barkhane d’aller le chercher ».
Selon certains observateurs « le problème de la Minusma n’est pas un manque d’effectif, mais de mandat à aller au contact des groupes terroristes ». Aussi, pour eux, la menace de sanctions contre « les fauteurs de troubles au processus de paix » n’est pas un fait nouveau, mais elle n’a jamais été appliquée.
Me Aboudrahamane Ben Touré est avocat au Barreau malien, chargé de cours à l’Université de Bamako. Il est joint par Issa Fakaba Sissoko.
« On envoie 2.500 soldats, mais si le mandat ne leur permet pas d’aller dans la lutte contre le terrorisme, ces casques bleus supplémentaires ne peuvent travailler que le cadre du mandat. Pour moi, ce mandat n’est pas assez clair en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et le jihadisme. Donc, on aura un effectif supplémentaire, mais dans les limites du mandat, comme dans celui du 22-27 adopté en 2015. C’est donc moins un problème d’effectif qu’un problème de mandat
L’une des composante de cette nouvelle résolution c’est aussi la menace de sanctions ciblées contre ceux considérés comme des fauteurs de trouble. Faut-il prendre cette menace au sérieux ?
« Déjà l’expression fauteurs de troubles est assez vague. Fauteurs de troubles, ça peut être les groupes armés, les bandits, les terroristes, etc. On ne peut pas prendre des sanctions contre un djihadiste parce qu’il vient pour se sacrifier. Maintenant, je pense que la sanction concerne les groupes armés et les bandits qui opèrent au Nord. S’il s’agit donc de cette dernière catégorie, ce n’est pas la première fois qu’on parle de sanction contre les groupes armés. Et depuis que le processus a commencé, on s’est rendu compte qu’il y a eu beaucoup de fautes commises par les groupes armés. Mais ils n’ont jamais été sanctionnés. »