La situation est toujours tendue à Gao entre les jeunes et les autorités régionales en dépit de la libération de 21 manifestants interpellés hier. Organisée à l’appel des Mouvements de résistance civile, la marche d’hier avait pour but de protester contre la mise en place des autorités intérimaires et « la non implication » de ces jeunes dans le processus de cantonnement et de réinsertion des ex-combattants. Selon un communiqué du gouvernement, ces manifestations ont fait trois morts et plusieurs blessés. Une délégation gouvernementale, composée aussi de responsables de la Plate-forme, est arrivée aujourd’hui sur place.
Des centaines de jeunes sont sortis hier dans les rues malgré l’interdiction de la marche par la mairie de la ville. Des pneus ont été brûles dans plusieurs endroits de la cité. Selon des témoins, les forces de sécurité présentes sur place sont intervenues pour disperser les manifestants.
Les jeunes protestent contre la mise en place des autorités intérimaires et leur « exclusion » du processus de désarmement, de démobilisation et réinsertion.
Certains ont fait état de tirs de gaz lacrymogènes, et d’autres de tirs à balles réelles. Un responsable de l’hôpital de Gao a indiqué dans l’après midi que trois personnes avaient trouvé la mort suite à des tirs par balles et plus de trente blessés, dont deux femmes, qui ont été admis dans l’établissement. Ce bilan a été confirmé par le gouvernement, qui annonce une « enquête ». Une délégation gouvernementale, composée aussi de responsables de la Plateforme, est arrivée aujourd’hui à Gao. Elle doit rencontrer les autorités, les manifestants et les représentants des organisations de la société civile.
En début de matinée, les manifestants étaient toujours regroupés devant le gouvernorat. Ils demandent le départ du gouverneur et des responsables de la police et de la gendarmerie.
D’autres manifestations sont prévues demain à Tombouctou et à Bamako. Selon les organisateurs, ces marches sont organisées pour « soutenir la jeunesse de Gao ». Toutefois, le gouverneur de Tombouctou a refusé d’autoriser cette marche dans sa localité. Mais les jeunes de la région de Tombouctou disent qu’ils vont marcher même sans autorisation. En attendant, le gouverneur a réuni ce matin une cinquantaine d’acteurs de la société civile pour les informer sur la mise en place des autorités intérimaires et l’emploi des jeunes.
Les manifestations d’hier et d’aujourd’hui ont paralysé la ville de Gao. Les commerces et les transports sont arrêtés. La délégation gouvernementale annoncée dans la ville est arrivée cet après midi. Elle est composée entre autres du ministre de la sécurité et celui de l’administration territoriale. Cette délégation devrait rencontrer les acteurs pour un « retour rapide » à la normale. Mais les manifestants exigent toujours le départ du gouverneur, du commissaire de la police et du commandant de gendarmerie.
Aly Maïga, notre correspondant à Gao, joint par Issa Fakaba Sissoko :
« Ce n’est plus une marche c’est un sit-in. Ils disent qu’ils sont là tant que le gouverneur n’est pas parti, en plus du commissaire de la police et du commandant de base de la gendarmerie. Vers 13 heures, il y a un jeune sur lequel on a tiré. Il a été blessé à l’épaule, il a été transporté à l’hôpital. Au moment où je vous parle, je suis devant l’Assemblée régionale où les jeunes sont regroupés. Ils ont fini de manger et de se reposer. Il s’apprêtent, selon eux, à affronter le reste de la journée. En tout cas en ville on peut dire que ça ne va pas, la tension est toujours vive, les jeunes sont en alerte. Les boutiques et les marchés sont fermés, rien ne marche depuis hier. Ça pose un problème, car les gens veulent acheter des choses et aucun approvisionnement n’est possible. On peut dire que la ville est morte parce que rien ne bouge pour l’instant ».
Pour certains observateurs, « les manifestations de Gao imposent de revoir les critères du processus DDR. Selon Me Abdrahamane Ben Touré, « si toutes les composantes de la population du Nord ne sont pas prises en compte dans le DDR, il y aura toujours des tensions concernant la représentativité au sein de l’armée ».